LA BOUCHE PLEINE
L’art ne suffit pas. On sait qu’il ne nourrit pas toujours son homme. Il y a des exceptions. Colette et Cocteau avaient leur table au Grand Véfour. Malraux était un habitué de chez Lasserre.
Il a même donné son nom à un pigeon. Orson Welles, très rive gauche, préférait La Méditerranée, face à l’Odéon. On le voit sur une banquette, entouré de jolies filles, dans Vérités et mensonges. Jacques Laurent déjeunait chez Lipp. Il savait que l’horloge de l’établissement avançait de huit minutes.
Son verre de whisky l’attendait. À une époque, l’acteur Raymond Pellegrin était propriétaire de Lapérouse, sur les quais. Les salons privés fermaient à clé. Montherlant ne se cassait pas la tête. Direction Le Voltaire, à deux pas de chez lui. Une de ses manies consistait à rouler des boulettes de mie de pain entre ses doigts. Une autre le poussa à se tirer une balle dans la tête après avoir avalé une ampoule de cyanure. À New York, Woody Allen fréquentait Elaine’s, sur la 2e Avenue. L’endroit a fermé en 2011. Robert De Niro a ouvert des restaurants japonais à Tribeca.
Il a même existé une antenne parisienne du côté des Champs-Élysées. Francis Ford Coppola s’occupe désormais de vin. La Napa Valley a remplacé Hollywood. Il s’est lancé aussi dans l’hôtellerie. Dormir chez le Parrain, au Belize ou en Italie du Sud, quel rêve !
Les écrivains ne détestent pas avoir une serviette autour du cou. Hemingway raffolait du cervelas rémoulade. Vous l’imaginez demandant au serveur s’il y a du gluten dans les plats ?