Le Figaro Magazine

AU MALI, UNE SI ÉTRANGE LIBÉRATION…

Quel a été le prix exact à payer pour libérer l’otage Sophie Pétronin ? Nul ne le sait vraiment, mais il pourrait être exorbitant.

- LA CHRONIQUE DE FRANÇOIS D’ORCIVAL

Emmanuel Macron n’avait qu’un seul ministre avec lui, le vendredi 9 octobre, pour accueillir Sophie Pétronin sur la piste de Villacoubl­ay : Jean-Yves Le Drian, le ministre des Affaires étrangères. Ce qui se passe au Mali serait-il donc devenu du seul ressort de la diplomatie ? Nous avons plus de 5 000 soldats français depuis huit ans dans la région. Des militaires placés sous la responsabi­lité de la ministre des Armées, Florence Parly.

Que voulait donc dire le chef de l’État ? Que cette affaire relevait de lui seul, et de son chef de la diplomatie – qui était ministre de la Défense en décembre 2016 lorsque Sophie Pétronin (alors travailleu­se humanitair­e) fut enlevée par des djihadiste­s dépendant d’un groupe lié à al-Qaida. Mais, à l’époque, Emmanuel Macron n’était pas président de la République. En revanche, il l’est depuis trois ans quand, le 18 août dernier, une junte d’officiers rebelles maliens s’empare du pouvoir à Bamako, au nez et à la barbe des Français. C’est-à-dire au nez de Florence Parly, alors que les Français ont payé leur présence au prix le plus élevé, le prix du sang, en perdant 45 de leurs soldats au Mali depuis huit ans. La situation du pays n’est-elle pas en train de leur échapper ?

Les officiers maliens qui viennent de saisir les commandes ont écarté un gouverneme­nt (d’Ibrahim Boubacar Keïta) qui était lié aux Français ; ils ont ouvert des négociatio­ns secrètes avec l’ennemi pour obtenir la libération de l’opposant malien Soumaïla Cissé (enlevé le 25 mars 2020 en pleine campagne électorale), auquel sont ajoutées celles de deux Italiens et de Sophie Pétronin (convertie à l’islam, dans l’ignorance des Français). En échange, les Maliens paient très cher les ravisseurs et procèdent à la libération de quelque 200 djihadiste­s de tous grades capturés au cours des années de guerre – soit par les Français, soit grâce à eux !

Un tel chiffre, d’un coup, c’est du jamais-vu.

Ça créera d’autres envies. Et avec la libération de Mme Pétronin, ils obligent Macron qui ne les a pas reconnus à leur adresser un message officiel de remercieme­nts ! Celui-ci va tout de même leur rappeler l’essentiel au cas où ils l’auraient oublié :

« Il les assure (les militaires maliens) de l’entière volonté de la France de soutenir le Mali dans la lutte qu’il mène avec persévéran­ce contre le terrorisme au Sahel. » Cela vaut pour eux, comme pour ceux, Européens, Américains, qui regardent la scène. Sans oublier les Chinois. On peut seulement se demander si ce message est toujours audible.

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