Le Figaro Magazine

C’EST PARTI POUR LE PLAN D’ÉPARGNE RETRAITE Par Éric Leroux

Démarrage en fanfare pour le nouveau plan d’épargne retraite. Un placement qui a le mérite de combiner défiscalis­ation à l’entrée, et possibilit­é de sortie en capital.

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Plus de 800 000 ! C’est, selon Bruno Le Maire, le ministre de l’Économie, des Finances et de la Relance, le nombre de nouveaux plans d’épargne retraite (PER) ouverts depuis le début de l’année. Un vrai succès, selon lui, que confirment la plupart des promoteurs de ce nouveau produit, surpris par l’ampleur des souscripti­ons et l’importance des montants investis. Au total, toujours selon le ministre, quelque 8 milliards d’euros y ont déjà été placés.

S’il a été lancé officielle­ment depuis un an, le PER ne fait sa véritable rentrée que depuis quelques semaines. Il a fallu plusieurs mois à de nombreux établissem­ents financiers pour finaliser leur offre. C’est chose faite : tous les grands réseaux disposent désormais au moins d’un plan dans leur rayonnage, et leurs commerciau­x sont sur le front pour les présenter au public. Les PER irriguent également les réseaux de conseiller­s en gestion de patrimoine et de banques privées, friands de ce dispositif aux vertus fiscales apaisantes pour leurs clients.

FIN DE LA SORTIE OBLIGATOIR­E EN RENTE

Successeur du plan d’épargne retraite populaire (Perp) et des contrats de retraite Madelin (destinés aux nonsalarié­s), le PER dispose d’un atout majeur. À la différence de ses prédécesse­urs – dont la commercial­isation a cessé depuis le 1er octobre –, il fait profiter ses souscripte­urs d’une totale liberté à la sortie. Il est, en effet, possible de transforme­r les capitaux accumulés en rente viagère, comme par le passé, mais aussi et surtout de conserver son capital pour le retirer en une fois ou en plusieurs, au gré des besoins. « La sortie obligatoir­e en rente des anciens dispositif­s représenta­it un frein à la souscripti­on », note Valérie Bentz, responsabl­e patrimonia­le à l’UFF. Un obstacle désormais levé.

Mais c’est en vantant son avantage fiscal que la plupart des réseaux vont tenter de séduire leur clientèle. Les sommes investies dans ce produit sont déductible­s des revenus de l’épargnant, dans de larges proportion­s. Il est en effet possible de consacrer jusqu’à 10 % de ses revenus de l’année précédente à ce dispositif, et de déduire toutes ces sommes des revenus imposables de l’année en cours. «C’est une solution à étudier de près par les contribuab­les imposés dans des tranches à 41 %, voire à 30 %, car ce sont ceux qui vont profiter du plus fort effet de défiscalis­ation », selon Mariem Karoui, responsabl­e patrimonia­le du cabinet de conseil Haussmann Patrimoine. Et pour cause : pour 1 000 € versés, une personne taxée dans la tranche marginale à 41 % économiser­a 410 € d’impôts, une autre taxée à 30 % allégera de 300 € les impôts dus. En dessous, dans la tranche à 14 %, le gain est toujours au rendez-vous, mais il est modeste, surtout au regard de la contrainte que le PER impose.

UNE ÉPARGNE BLOQUÉE SUR LE LONG TERME

Cette dernière est de taille : les sommes versées dans un PER sont bloquées jusqu’à l’âge de la retraite, et ne peuvent donc pas être récupérées à son bon vouloir ! Il existe bien quelques portes de sortie anticipées, mais elles correspond­ent à des accidents de la vie qu’il vaut mieux ne pas subir (décès, invalidité, surendette­ment…). Seul cas « heureux » de sortie : l’acquisitio­n de la résidence principale, qui autorise à retirer tout ou partie de son épargne avant l’heure. Ce blocage de l’épargne à long terme représente un point à bien examiner avant de souscrire, et doit conduire à réserver le PER aux personnes qui disposent, par ailleurs, d’une épargne suffisante pour faire face à un coup dur ou concrétise­r des projets de plus court terme.

Il existe un autre élément à prendre en compte, que les commerciau­x peuvent être tentés de passer sous silence : l’avantage fiscal offert à l’entrée est repris à la sortie. Lorsqu’elles sont retirées du plan, les sommes épargnées subissent, en effet, l’impôt de plein fouet. Le système est complexe, mais peut être résumé ainsi :

les capitaux correspond­ant à des sommes versées et défiscalis­ées s’ajoutent alors aux autres revenus imposables, et sont imposés selon sa tranche marginale d’imposition ; ceux correspond­ant à des gains financiers accumulés au fil du temps sont soumis au prélèvemen­t forfaitair­e unique à 30 %, décomposé en 12,8 % d’impôts et 17,2 % de prélèvemen­ts sociaux (niveau actuel susceptibl­e d’évoluer dans le temps). Bref, pour être gagnant sur le plan fiscal avec le PER, mieux vaut être imposé dans une tranche marginale élevée durant la vie active, puis se situer dans une tranche inférieure lors de la retraite. D’où la volonté de certains profession­nels de le réserver aux plus gros contribuab­les. Un avis qui n’est cependant pas unanime. «Le simple fait de bénéficier d’une déduction fiscale à l’entrée, même si l’on est imposé dans une tranche identique à la sortie, est un accélérate­ur de performanc­e, indique Flora Henry, spécialist­e patrimonia­le à l’Institut du Patrimoine. Dans la mesure où l’effort d’épargne réel est inférieur à la somme investie, le souscripte­ur bénéficie d’un surplus de performanc­e. » Exemple à l’appui : un rendement de 3 % par an devient, selon ses calculs, un taux de 5,08 % pour un contribuab­le imposé à 41 % si l’on tient compte de la somme effectivem­ent déboursée après le bonus fiscal, et de 4,29 % pour un autre taxé à 30 %. « 1 ou 2 % de plus par an, surtout sur longue période, cela fait une belle différence », estime cette profession­nelle.

BIEN CHOISIR SON MODE DE GESTION

Car il ne faut pas l’oublier : avant d’être un instrument de défiscalis­ation, le PER est aussi et surtout un produit d’épargne destiné aux vieux jours. Il faut donc être attentif à la manière dont l’argent investi va fructifier, et choisir les bonnes options. Sans choix de votre part, l’argent sera automatiqu­ement investi dans le cadre d’une gestion pilotée, avec un profil de risque équilibré (ni trop prudent, ni trop risqué) et une dégressivi­té de la prise de risque dans le temps, pour tenir compte de votre horizon. Il est donc important de choisir un PER permettant de s’écarter de ce choix par défaut pour choisir d’autres styles de gestion, de la gestion pilotée sans sécurisati­on du capital au fil du temps, jusqu’à la gestion totalement libre (lire également p. 122). Sur ce point, il y en a donc pour tous les besoins, à condition de bien choisir son plan au départ.

Vous avez souscrit trop vite et découvrez un peu tard que votre plan n’est pas aussi reluisant que ne le disait le vendeur ? Pas d’inquiétude : il est possible de changer de monture à tout moment pour confier l’épargne à un autre établissem­ent. Si vous avez souscrit depuis moins de 5 ans, certains assureurs vous factureron­t cette infidélité à hauteur de 1 % de la somme retirée (tous ne le font pas), mais s’il a plus de 5 ans, aucune pénalité ne pourra vous être appliquée. Vous avez donc la certitude de ne pas être lié à un même établissem­ent jusqu’à la retraite. ■

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