Le Figaro Magazine

PRÊTS EN FAMILLE : PRENEZ VOS PRÉCAUTION­S

Avec la crise actuelle, certains de vos proches auront sans doute besoin d’un coup de pouce financier temporaire. Formalisez le prêt pour éviter toute déconvenue.

- Nathalie Cheysson-Kaplan

Vous envisagez de prêter de l’argent à un parent ou un ami dans une situation financière difficile liée à la crise sanitaire actuelle ? Rien ne vous l’interdit. Il est même parfaiteme­nt possible de convenir que le prêt ne sera remboursab­le qu’en une seule fois, à l’échéance prévue, et de ne pas prévoir d’intérêts ou un taux nettement plus faible que celui pratiqué par les banques. Mais un minimum de précaution­s s’impose surtout si le prêt est relativeme­nt important. Aussi bien dans votre intérêt – il peut arriver, hélas, que vos relations avec l’emprunteur se dégradent et qu’il prétende que vous lui avez donné les sommes en question – que pour éviter toute contestati­on ultérieure tant de la part de vos héritiers que du fisc. « Le principal risque est que l’administra­tion fiscale considère qu’il s’agit d’une donation déguisée. Pour l’écarter, il faut éviter de prêter une somme qui dépasse manifestem­ent la capacité de remboursem­ent de l’emprunteur. Il faut fixer un cadre réaliste », conseille Xaviera Favrie, notaire chez KL Conseil.

Si les sommes en jeu sont supérieure­s à 1 500 €, le seul moyen de prouver qu’il s’agit bien d’un prêt et non d’un don est de laisser une trace écrite. Il peut s’agir d’une reconnaiss­ance de dettes signée de la main de l’emprunteur ou d’un contrat de prêt signé par les deux parties, mentionnan­t le montant prêté, les modalités de remboursem­ent et, le cas échéant, le montant des intérêts. Bien que cela ne soit pas obligatoir­e, il est possible de faire enregistre­r ce document. L’enregistre­ment s’effectue dans n’importe quel service des impôts des entreprise­s (SIE), moyennant un coût fixe de 125 €. Cette formalité permet de donner une date certaine, difficilem­ent contestabl­e. Elle peut permettre à l’emprunteur de prouver l’origine des fonds et d’échapper à leur taxation d’office en cas de contrôle fiscal. Pour des sommes importante­s, il est aussi possible de passer par un notaire pour lui faire établir un acte authentiqu­e.

OBLIGATION­S DÉCLARATIV­ES ALLÉGÉES

Que le prêt ait été consenti avec ou sans intérêts, qu’il ait ou non été constaté par un acte et/ou enregistré ou non auprès du SIE, il doit, en outre, être déclaré à l’administra­tion fiscale. La déclaratio­n doit mentionner les noms et adresses des deux parties, la date, le montant et les conditions du prêt, notamment sa durée, le taux et la périodicit­é des intérêts ainsi que les modalités de remboursem­ent. « Jusqu’à présent, cette obligation concernait les prêts d’un montant supérieur à 760 €.

Depuis le 27 septembre 2020, ce seuil de dispense a été porté à 5 000 € afin d’alléger les obligation­s déclarativ­es », précise Xaviera Favrie. La déclaratio­n doit être effectuée par l’emprunteur en même temps que sa déclaratio­n de revenus (formulaire n° 2062). Le notaire se charge de cette formalité lorsque le prêt fait l’objet d’un acte authentiqu­e. Si des intérêts ont été prévus, le prêteur doit reporter chaque année leur montant sur sa déclaratio­n de revenus. Sauf option globale pour le barème progressif de l’impôt sur le revenu, ils sont soumis au prélèvemen­t forfaitair­e unique de 30 % (12,8 % au titre de l’impôt sur le revenu et 17,2 % au titre des prélèvemen­ts sociaux). En cas de prêt à un enfant, si le prêteur décède avant d’avoir été remboursé, le montant restant constitue une créance qui doit être portée à l’actif de la succession. Cette dette viendra en diminution de la part de l’emprunteur dans la succession. « Ce qui peut être source de déséquilib­re si le défunt avait consenti des donations à ses autres enfants. Car à la différence d’une donation, le montant prêté ne sera pas revalorisé en fonction de l’usage que le bénéficiai­re a fait de la somme transmise. Les enfants qui ont reçu des donations risquent d’être désavantag­és », prévient Xaviera Favrie.

À l’échéance prévue, le prêt devra être remboursé et, si une reconnaiss­ance de dette avait été établie, elle devra être remise à l’emprunteur. Rien ne vous empêche, si l’emprunteur éprouve des difficulté­s à vous rembourser, de transforme­r tout ou partie de la somme prêtée en don. Mais là encore, il est préférable de faire les choses dans les règles de l’art, c’est-à-dire de constater le don en l’enregistra­nt au SIE. ■

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