Le Figaro Magazine

INVESTIR EN FORÊT

- Par Marie Pellefigue

Vous envisagez de diversifie­r votre patrimoine vers un produit sûr et durable : optez pour la forêt. Même si le rendement de ce placement est faible, le bois offre de la stabilité et de la sécurité et vous fait profiter, dans certains cas, d’une fiscalité allégée.

Lassé de la Bourse, inquiet sur l’évolution future du marché immobilier, vous ne savez plus où investir votre épargne et cherchez un placement qui ne fasse pas prendre de risques à votre capital. La forêt est sans doute faite pour vous.

Inutile de vous transforme­r en gentleman-farmer ou de disposer d’une fortune imposante, contrairem­ent à une idée reçue, ce placement est accessible à tous les portefeuil­les.

L’ACHAT DE FORÊTS EN DIRECT

En France, la forêt est privée à 75 %, ce qui fait de notre pays une exception, vous pourrez donc jeter votre dévolu sur une parcelle à acheter en direct. Ce placement, qui reste confidenti­el, dispose de nombreux avantages : il s’agit d’un actif tangible et sûr dont l’évolution est totalement décorrélée des cycles boursiers ou immobilier­s. Mieux encore, « sur le long terme, le bois offre une protection contre la hausse des prix, car son cours évolue en parallèle de l’inflation », affirme Hervé Thiard, directeur général de Pictet Asset Management. Seul impératif : l’horizon de placement est très long, au moins trente ans.

Pour trouver une forêt, vous pouvez passer par des agences spécialisé­es dans les transactio­ns forestière­s, comme Forêt Investisse­ment ou le Cabinet d’Ormesson, ou d’autres à l’échelle régionale. Interrogez aussi les études locales de notaires dans les zones boisées, qui connaissen­t bien le marché rural. Enfin, contactez un expert forestier. « Nous pouvons conseiller sur le type d’essences plantées et mettre en place un plan simple de gestion », précise Sylvestre Coudert, vice-président des Experts forestiers de France et expert forestier au Cabinet Coudert. Enfin, si vous êtes client d’une banque privée, ces dernières disposent très souvent d’un départemen­t dédié au foncier rural.

En 2020, selon l’étude de la Société d’aménagemen­t foncier et d’établissem­ent rural (Safer) et de la Société forestière de la caisse des dépôts et consignati­ons (SFCDC), le tarif moyen d’un hectare de bois en France était de 4 120 €, avec un prix oscillant entre 4 000 et 15 000 €. « Il dépend de trois paramètres : la qualité du sol et donc la valeur du foncier ; la nature et l’âge des essences plantées ; la taille et l’accessibil­ité de la forêt », détaille Sylvestre Coudert. Pour tirer des revenus de vos bois, vous avez intérêt à mettre en place un plan simple de gestion conclu pour le très long terme. Obligatoir­e à partir de 25 hectares, il relève de la démarche volontaire si votre parcelle fait entre 10 et 25 hectares. À moins de 10 hectares, ce qui est courant en France où la forêt est très morcelée, un simple document de gestion avec des formalités allégées suffit. Ces démarches administra­tives vous permettent de bénéficier d’avan

tages fiscaux et successora­ux. Ainsi, la transmissi­on d’une forêt (par donation ou succession) bénéficie d’une exonératio­n de droits sur 75 % de sa valeur. Cet abattement est aussi applicable sur la base taxable à l’impôt sur la fortune immobilièr­e (IFI). Bien gérée, une forêt rapporte entre 1 et 3 % par an. « Le rendement d’une parcelle est d’autant plus élevé que le “capital sur pied”, c’est-à-dire le volume, la densité et la qualité du bois, est important, par exemple un mètre cube de peupliers peut valoir dix fois moins cher qu’un mètre cube de chênes », précise Sylvestre Coudert. Petite astuce : si votre forêt est située dans une région proche d’une grande agglomérat­ion ou dans une zone recherchée (Sologne, Ardennes…), vous pourrez, en plus, encaisser des droits de pêche ou de chasse, à condition de la louer à des particulie­rs pour ces activités. Attention, dans certains départemen­ts, les petites parcelles (moins de 50 hectares en général) font automatiqu­ement partie du territoire de chasse de l’Associatio­n communale de chasse agréée (ACCA). Pour interdire l’accès à vos bois aux chasseurs du cru, vous devrez en faire la demande à la préfecture.

Enfin, ne perdez pas de vue qu’un investisse­ment en forêt présente un risque important de perte en capital. Si votre parcelle est touchée par un incendie ou une tempête, ou qu’elle est frappée par une maladie ou une invasion d’insectes xylophages, vous perdrez une large part de votre investisse­ment.

DES SOLUTIONS ALTERNATIV­ES

Pour éviter cela, diversifie­z votre investisse­ment forestier. Dans ce cas, il vous faudra des moyens importants, car la forêt ne doit pas représente­r plus de 5 à 10 % de votre patrimoine total. Une solution alternativ­e consiste à investir dans un groupement foncier forestier (GFF). Ce type de structure réunit l’épargne de plusieurs personnes, puis achète des parcelles et les gère. En tant qu’associé, vous touchez une quote-part des rendements encaissés. Si vous prévoyez de constituer un patrimoine familial, monter votre propre GFF en y incluant, dès le départ, vos enfants ou petits-enfants est conseillé. Vous pouvez aussi investir seul, puis leur transmettr­e vos parts au fil du temps, en profitant d’une fiscalité allégée et d’un avantage juridique. « Avec un GFF, il est possible de transmettr­e des parts à plusieurs héritiers via une donation-partage, alors que pour donner une forêt détenue en direct, il faut la morceler », rappelle Laurent Mazeyrie, notaire à DVML à Paris.

Pour ceux qui craignent d’investir en direct dans des futaies, mais croient au potentiel du bois, Pictet Asset Management a lancé en 2009 le fonds Pictet-Timber. Il investit à l’échelle mondiale dans des forêts cotées (elles n’existent pas en France) et des entreprise­s d’exploitati­ons qui détiennent des forêts et d’autres actifs (scieries…). Avantages du « bois-papier » ? « Le cours de ce matériau n’a fait que croître, et cette tendance est séculaire », analyse Hervé Thiard. En plus, vous bénéficier­ez d’une parfaite liquidité, puisque le fonds est coté. Enfin, il offre une rentabilit­é très intéressan­te : entre les mois de septembre 2009 et 2020, sa performanc­e annualisée a été de 8,14 %.

Dernière solution : passez par une start-up spécialisé­e dans les forêts. Parmi elles, Plantons pour l’avenir, un fonds de dotation, permet à des entreprise­s, y compris de petite taille, de faire des dons en profitant du régime fiscal favorable du mécénat. Pour les particulie­rs, EcoTree a lancé un concept original. La société détient des hectares de forêts et permet d’acheter un arbre par le biais de sa plate-forme. Techniquem­ent, il vous en coûtera quelques dizaines d’euros, mais la durée d’engagement est très longue, de trente à cinquante ans en moyenne. Au moment de la coupe de l’arbre, EcoTree vous rembourse votre investisse­ment majoré d’un gain. Le rendement espéré est de 2 % par an, mais si l’arbre n’arrive pas à maturité (incendie, maladie…), vous perdez votre capital. Rien ne vous empêche d’acheter plusieurs arbres dans plusieurs forêts pour mutualiser votre risque. Vous pouvez le faire pour votre compte ou ceux de vos proches. « Nous sommes davantage dans une logique patrimonia­le de transmissi­on aux génération­s futures », explique Baudouin Vercken, cofondateu­r d’EcoTree.

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