L’ÉDITORIAL de Guillaume Roquette
C’était en avril 2018. Devant les évêques de France réunis au collège des Bernardins, Emmanuel Macron avait salué l’engagement des catholiques dans la protection de la vie, « en particulier lorsque cette vie est sans défense », et il avait cité celle de l’enfant à naître. Il avait également demandé que le Conseil national d’éthique organise des « états généraux de la bioéthique » sur la législation à venir, en particulier l’accès des couples de femmes à la procréation médicalement assistée. Beaucoup, à l’époque, s’étaient félicités de cette main tendue du chef de l’État.
Deux ans et demi après, où en sommes-nous ? L’avis de la grande majorité des participants à ces états généraux, qui étaient favorables au statu quo sur la PMA, a été délibérément ignoré, alors même qu’Emmanuel Macron avait indiqué pendant sa campagne présidentielle qu’il souhaitait voir un consensus émerger sur ce sujet. Le 31 juillet dernier, en pleine urgence sanitaire, les députés ont adopté en deuxième lecture un projet de loi dit « bioéthique » qui instituait non seulement la PMA sans père, mais plusieurs autres mesures porteuses de transgressions anthropologiques inédites. Par exemple, l’insertion de cellules humaines dans des embryons d’animaux à des fins de recherche.
Jeudi dernier, les députés ont adopté en première lecture un autre texte, repoussant de 12 à 14 semaines la date limite pour pratiquer une IVG, malgré l’avis négatif du Collège national des gynécologues et obstétriciens. Dans une volonté de banaliser l’acte, ils ont également supprimé la clause de conscience spécifique liée à l’interruption volontaire de grossesse, malgré l’opposition de l’ordre national des médecins. Cette clause avait été voulue par Simone Veil lors du vote de la loi portant son nom car, disait-elle, « on ne peut obliger personne à aller contre ses convictions ». Rappelons aussi que, dans le cadre de la loi « bioéthique », les députés avaient déjà autorisé en juillet l’interruption médicale de grossesse jusqu’au jour de la naissance en cas de « détresse psychosociale ». L’objectif du planning familial de supprimer tout délai d’accès à l’IVG n’est plus très loin.
Alors que le pays regarde ailleurs, obnubilé par la crise sanitaire, la majorité parlementaire LREM bouleverse à marche forcée tous les grands équilibres éthiques qui structuraient jusqu’ici la famille et la transmission de la vie humaine. Cette révolution sociétale, sauf l’extension de la PMA, n’était pourtant nulle part annoncée dans le programme d’Emmanuel Macron et ni lui ni son gouvernement ne la soutiennent officiellement. Mais ils laissent faire, dans un silence qui permet d’éviter tout débat sur ces questions pourtant cruciales. Sauf que l’histoire n’est pas encore écrite puisque aucun des textes votés à l’Assemblée, que ce soit sur l’extension de la PMA ou de l’IVG, n’est définitivement adopté. Il reste plusieurs mois de procédure parlementaire pour porter ces sujets en pleine lumière. Ils le méritent.