CULTURELLEMENT CORRECT
Chanel sans Coco ! LA CHRONIQUE de François d’Orcival
Quand la Mairie de Paris s’intéresse à la créatrice la plus complexe du XXe siècle… méfiance ! L’iconique Coco Chanel fait l’objet d’une rétrospective au palais Galliera, la première jamais organisée dans la capitale. Le Musée de la mode de Paris montre son travail entre 1910 – ses débuts – et 1971 – sa fin.
Mais si l’oeuvre fascine, la vie de son auteur ne semble pas du goût des concepteurs de l’exposition qui l’ont occultée. Oublier Coco pour ne parler que de Chanel, il fallait oser ! L’exposition, dont le contenu est par ailleurs exceptionnel, grâce à la généreuse participation de la maison Chanel, prend bien soin d’éviter toute référence biographique. Et ce, jusque dans son intitulé : « Gabrielle Chanel. Manifeste de mode ». Histoire d’être bien sûr qu’on ne parle pas de la même personne… Les visiteurs doivent se contenter de maigres « repères chronologiques »
– trois colonnes de texte affichées au début de l’expo. Cette absence interroge : « Tout le monde connaît sa vie, il était plus intéressant de se concentrer sur son travail », balaie d’un revers de blouse le Musée Galliera. Exit donc Stravinsky, Diaghilev, Morand… et les autres génies qui l’ont hissée dans la légende. Une « amnésie » d’autant plus gênante que 2021 sera l’année du cinquantenaire de sa mort et du centenaire du N° 5. Célébrer avec distance ce pilier du Ritz, travailleuse acharnée aux fréquentations contrastées – sous l’Occupation, notamment –, semblait au-dessus des forces de nos édiles municipaux.
Reste l’oeuvre, présentée dans une muséographie sobre et chic. Les tailleurs qu’on nous montre ont appartenu à Grace de Monaco, Paola de Belgique, Marlene Dietrich… et renvoient l’écho d’une époque qui avait du style. Les femmes n’étaient pas seulement jolies mais belles. Leurs robes aussi. Achetées en boutique, elles finissent au musée, dans une exposition où Coco n’est pas la bienvenue…