EXPO “Ceux de 40”
Deux expositions complémentaires, au Musée de l’armée et au Musée de l’ordre de la Libération, offrent un éclairage précieux sur l’année terrible qui a fait basculer la France de 1940.
C’est un chemin de mémoire. Une plongée douloureuse et « à hauteur d’homme dans l’année 1940 et la défaite française », selon les mots du lieutenant-colonel Christophe Bertrand, chef du département contemporain et l’un des commissaires de l’exposition « Comme en 40 » au Musée de l’armée. De fait, à peine franchi le porche d’entrée de la première salle, le visiteur est emporté par une scénographie minimaliste – et d’autant plus efficace – dans le vertige des premiers combats d’une armée française sidérée par l’avancée allemande. « Pas à pas, explique le lieutenant-colonel Bertrand, on suit un parcours chronologique depuis “la drôle de guerre” jusqu’à la signature des armistices franco-allemand et franco-italien qui mettent un terme à huit mois d’une guerre très dure et particulièrement meurtrière, loin des clichés d’une campagne de France bucolique et champêtre. » Puis le temps s’accélère et un monde s’écroule, tandis que résonnent l’un après l’autre le dernier discours radiophonique du président du Conseil Paul Reynaud, le 13 juin 1940, l’annonce d’un armistice prochain par le maréchal Pétain, le 17 juin, et les premiers appels à la résistance lancés le 18 juin par Churchill et le général de Gaulle. Dans sa seconde partie, l’exposition s’interroge sur les conséquences de la défaite. Car la France qui se réveille au lendemain de l’armistice, déjà divisée en zones différentes, ne se reconnaît plus elle-même. Après avoir fui les combats, des dizaines de milliers de personnes sont encore sur les routes et près de deux millions de soldats ont été faits prisonniers. Le pays est éclaté, l’Alsace et la Moselle sont intégrées au IIIe Reich et les départements du Nord et du Pas-deCalais rattachés au commandement militaire allemand en Belgique. Avec les premiers temps de l’Occupation, les
Français commencent à découvrir les privations, l’humiliation, la censure, les premières lois raciales et ce qui sera bientôt la France de Vichy. Pour évoquer le destin de l’Empire français et son ralliement progressif à « la dissidence de Londres », plusieurs prêts exceptionnels ont été consentis par les Archives nationales, dont le manifeste de Brazzaville annoté par le général de Gaulle et le télégramme de ralliement du Tchad signé par Félix Éboué. Émotion garantie.
Dans le cadre de l’année de Gaulle et du 80e anniversaire de l’année 1940, le Musée de l’ordre de la Libération a choisi, de son côté, de donner la parole aux pionniers de la Résistance que sont les Compagnons de la Libération, dont 790 sur 1 038 se sont engagés dès 1940 dans la France libre. En s’appuyant notamment sur les témoignages d’Honoré d’Estienne d’Orves, de René Pleven, de Jacques Hébert, de Claude Chandon ou d’Henri Thomas, le maître de phare de l’île de Sein qui fût le premier sur l’île à entendre l’appel du 18 Juin, l’exposition « 1940 Paroles de rebelles » pose avec beaucoup de finesse et d’émotion la délicate question de l’engagement, du don de soi et du passage à la clandestinité dans un moment où tout semble perdu et sans espoir. ■