Le Figaro Magazine

KAMALA HARRIS

Une pionnière pour seconder Biden

- Jean-Marc Gonin

Si le candidat démocrate l’emportait, sa colistière serait la vice-présidente du plus vieux président américain. Avec la possibilit­é de lui succéder à l’issue de son mandat.

Aun battement de coeur du Bureau ovale. » L’expression consacrée définit le sort du vice-président des États-Unis : remplacer le chef de l’État en cas de malheur. Si Joe Biden remporte la présidenti­elle – comme les sondages l’indiquent à moins de trois semaines du scrutin –, il aura 78 ans en début de mandat et deviendra le doyen des élus entrant à la Maison-Blanche (Trump avait 70 ans et Reagan 69 ans). Au côté d’un président âgé, sa colistière, Kamala Harris, devra être doublement prête : s’il lui arrive quelque chose mais aussi pour prendre le relais dans quatre ans, s’il ne se représente pas. Pionnière, Kamala Harris (56 ans, le 20 octobre prochain) l’a été souvent. En cas de succès de Biden, elle sera la première femme à occuper ce poste. Comme celle d’un audacieux alpiniste, sa carrière est jalonnée de « premières ». C’était le cas en 2004 à la tête du parquet de San Francisco comme lorsqu’elle devint procureur général de Californie en 2011. La dame n’a pas froid aux yeux. Quand, en 2019, sénatrice depuis deux ans à peine, elle décida de se lancer dans la course aux primaires démocrates, à un journalist­e qui l’interrogea­it sur son concurrent Joe Biden, elle répondit : « Il ferait un excellent colistier. »

Dans son autobiogra­phie, Kamala Harris attribue ce culot à sa mère, Shyamala Gopalan. Née en Inde à l’époque coloniale, fille de haut fonctionna­ire, elle partit à 19 ans aux États-Unis pour étudier la médecine à l’université de Berkeley où elle rencontra Donald Harris, un étudiant en économie jamaïcain. Ils se marièrent en 1963 et leur fille aînée Kamala naquit un an plus tard. Installé à Oakland, un haut lieu du gauchisme aux États-Unis, le couple participe aux manifestat­ions et leur petite fille se trouve dans le cortège. « Je me rappelle une mer de jambes », se souvient Kamala Harris. En 1971, c’est le divorce. Kamala et sa soeur Maya, née en 1967, sont confiées à leur mère. Bien que toutes deux métisses indoantill­aises, Shyamala Gopalan sait qu’aux États-Unis ses filles seront vues comme des Noires. « Elle était décidée à faire de nous des femmes sûres d’elles et fières d’êtres noires », écrit Kamala Harris. Diplômée de Howard, une prestigieu­se université pour étudiants noirs installée à Washington, elle achève son droit à l’université de Californie de San Francisco. Malgré une jeunesse baignée d’idéaux gauchistes, Kamala Harris choisit l’accusation. Un choix qui lui colle encore aux basques. Ses proches expliquent qu’elle avait opté pour le parquet afin de corriger les injustices « depuis l’intérieur du système ». Ils soulignent en outre qu’elle n’a jamais requis la peine de mort. En revanche, ses détracteur­s démocrates, comme ceux du mouvement Black Lives Matter (Les vies noires comptent), lui reprochent d’avoir eu la main lourde contre les jeunes délinquant­s…

Forte de son succès électoral pour devenir procureur de Californie, encouragée par Barack Obama qui l’apprécie, Kamala Harris se voit un destin national. Celui-ci passera par le Sénat de Washington. En 2016, elle remporte un des deux sièges dévolus à la Californie. Mais, comme Obama avant elle, Kamala Harris brûle les étapes. Dès 2019, elle se lance dans la course à la présidenti­elle. Au départ, son irruption sur la scène nationale attire l’attention. Les sondages lui sont favorables. Lors du premier débat des primaires en juin 2019, elle acquiert un statut de favorite quand elle s’en prend à Joe Biden. Pourtant, sa candidatur­e fera long feu avant même le premier scrutin. Ses positions contradict­oires sur l’assurance-maladie ruinent sa campagne. Elle jette l’éponge début décembre : ses caisses sont vides. Le salut viendra en 2020. Sortie vainqueur des primaires, l’équipe Biden a besoin d’associer son candidat à une femme noire pour faire le plein de voix en novembre. De raison plutôt que du coeur, le choix tombera sur Kamala Harris.

Grâce à Castex, le Président est moins soumis aux foudres de l’opinion Un élu LREM

Alors que nombre de commentate­urs ont insisté sur la faiblesse politique du premier ministre à l’occasion de ses cent jours à Matignon, les proches du président de la République n’ont pas la même lecture des trois premiers mois de Jean Castex à la tête du gouverneme­nt. « Il fallait que le chef de l’État prenne moins la foudre. Grâce à Jean Castex, Emmanuel Macron est moins soumis aux foudres de l’opinion. » La preuve ? L’épisode de la fermeture des bars et restaurant­s à Marseille. À l’Élysée, on est persuadé qu’avant, les critiques se seraient adressées directemen­t au président de la République, comme c’était le cas depuis trois ans. Cette fois-ci, c’est le premier ministre et son ministre de la Santé, Olivier Véran, qui ont été la cible des critiques. En parallèle, Jean Castex est davantage dans la coordinati­on de l’équipe gouverneme­ntale que dans l’incarnatio­n. Avec la nomination de fortes personnali­tés, le chef du gouverneme­nt laisse plus de marge de manoeuvre à ses ministres pour exister. La difficulté majeure de cet exercice reste l’impression d’affaibliss­ement de Matignon, notée par certains commentate­urs. « Il ne faut pas qu’il devienne un premier ministre faible, précise un élu LREM, Mais il n’est pas là pour être fort. » Dans l’entourage du président de la République, on reconnaît avoir perçu « une ambition politique personnell­e chez Édouard Philippe ». Ambition qui a favorisé son remplaceme­nt en juillet dernier par un homme plus en phase avec le Président : « Il est un numéro deux dont on ne sent pas l’ambition de devenir numéro un. C’est nouveau sous la Ve République, mais c’est plutôt bien pour le Président. »

“Le

principal danger pour Emmanuel Macron ?

Nicolas Sarkozy !

Un proche du Président

Ça bouge beaucoup à droite en ce moment », constate une ministre du gouverneme­nt. Le renoncemen­t de François Baroin, la candidatur­e affirmée chaque jour davantage de Xavier Bertrand, les ambitions de Valérie Pécresse, Bruno Retailleau voire Laurent Wauquiez pour 2022, font réfléchir les élus de terrain. En revanche, chez les proches du président de la République, ce n’est pas tout ce petit monde qui inquiète, mais l’attitude de Nicolas Sarkozy. Pour eux, c’est une certitude, dans la perspectiv­e de l’élection présidenti­elle, « le principal danger pour Emmanuel Macron, c’est Nicolas Sarkozy ». Leur crainte : que l’ancien locataire de l’Élysée accorde un grand entretien dans lequel il critiquera­it sévèrement l’action de Macron. « Ça aurait un impact » sur l’électorat, craignent-ils, contrairem­ent à toutes les gesticulat­ions des autres prétendant­s. Ils se souviennen­t des attaques de Martine Aubry contre François Hollande de 2012 à 2017, qui l’affaibliss­aient dans son électorat. Jusqu’à le priver de son socle et l’empêcher de se représente­r.

“Il faut regarder ce que fait Pierre de Villiers Un élu LR

Orphelins de candidat pour 2022, depuis le renoncemen­t de François Baroin, certains élus Les Républicai­ns tournent leur regard vers le général Pierre de Villiers. Leur constat est simple : aucun des prétendant­s actuels n’est pour le moment capable de faire baisser le score de Marine Le Pen. Or, sans ce matelas d’électeurs supplément­aires, aucun ne peut espérer se qualifier pour le second tour. « Il faut regarder ce que fait Pierre de Villiers, estime un député LR. Sur le papier, il a un profil qui coche plusieurs cases. » Ancien chef d’état-major des armées, il incarne l’autorité et l’ordre, mais il ne se réduit pas à ça, prônant un « équilibre » pour « réparer la France ». « Quand je l’ai vu, il m’a surpris positiveme­nt », admet cet élu. Cependant, s’il veille à ne fermer aucune porte définitive­ment, Pierre de Villiers ne franchit pas pour le moment le Rubicon de la candidatur­e. Il met à profit la sortie de son dernier livre pour faire un tour de France et « contribuer aux débats ».

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