LA PAGE HISTOIRE de Jean Sévillia
Simone Bertière raconte comment il fallut un long concours de circonstances et le jeu de la Providence pour qu’Henri de Navarre devienne roi de France.
Proche du peuple, amateur de bonne chère et de jolies femmes, Henri IV est devenu, post mortem, le plus populaire des rois de France. Et pourtant, pour qu’il accède au trône, il a fallu une série de concours de circonstances dans lesquels certains de ses contemporains ne virent pas la main du hasard, mais le doigt de la Providence. Tel est aussi le point de vue, ou du moins l’interrogation qui hante Simone Bertière, dans un livre qui est à la fois d’une impeccable facture sur le plan historique et d’une tonalité assez personnelle par l’originalité du propos.
L’auteur, on le sait, est une spécialiste des XVIe et XVIIe siècles, à qui l’on doit une impressionnante série de biographies (le cardinal de Retz, les reines de France aux temps des Valois et des Bourbons, Mazarin, Condé), toutes écrites d’après des sources premières. Le livre qu’elle publie aujourd’hui n’est pas une biographie complète d’Henri IV, mais un récit qui court de 1553 (naissance d’Henri de Navarre) à 1600 (année du mariage d’Henri IV, roi depuis onze ans, avec Marie de Médicis). Au départ, rien ne prédestinait ce jeune prince béarnais, lointain cousin des Valois, à hériter de la couronne. En mourant, en 1559, le roi Henri II avait laissé quatre fils dont trois régneront (François II, Charles IX, Henri III) et une veuve et régente, Catherine de Médicis, qui n’était pas une mince personnalité. Henri de Navarre, en outre, était calviniste et, pendant les guerres de Religion, avait combattu à la tête du camp huguenot contre les troupes royales. Il faudra que les fils du roi Henri II meurent tour à tour et sans descendants pour qu’en 1589 Henri de Navarre devienne de jure le roi Henri IV, qu’il s’impose, les armes à la main, à ses adversaires huguenots ou ligueurs et se convertisse au catholicisme, puis signe l’édit de Nantes, en 1598, pour régner de facto et être vrai roi de France.
Ce sont ces « trente ans de luttes contre vents et marées pour se faire accepter [de la France] et y instaurer la paix civile » que raconte Simone Bertière. L’historienne, indulgente envers les défauts de son personnage, en montre l’intelligence et la bonté. De ce portrait d’Henri IV se dégage une profonde impression d’humanité, et c’est un sentiment qui fait du bien.
Henri IV et la Providence, de Simone Bertière, Éditions de Fallois, 332 p., 22 €.