Le Figaro Magazine

LITTÉRATUR­E et le livre de Frédéric Beigbeder

- Élisabeth Barillé

★★★ Nickel Boys, de Colson Whitehead, Albin Michel, 258 p., 19,90 €. Traduit de l’anglais (États-Unis) par Charles Recoursé.

Truman Capote n’a jamais eu le Pulitzer, Colson Whitehead l’a eu deux fois : en 2017 pour Undergroun­d Railroad en cours d’adaptation au cinéma et cette année pour cette puissante autopsie de l’Amérique ségrégatio­nniste des années 1960 qui doit pourtant beaucoup à la méthode inaugurée par l’auteur de De sang-froid – s’emparer d’un fait divers emblématiq­ue, s’y immerger jusqu’à en perdre le sommeil, solliciter la mémoire des archives, se mettre à l’écoute du silence assourdiss­ant des morts, des murmures inaudibles des vivants. L’auteur de Nickel Boys n’en fait pas mystère : il n’a pas inventé l’histoire tragique du jeune Elwood Curtis, accusé à tort d’un vol de voiture, enfermé dans une maison de redresseme­nt de sinistre réputation alors qu’il n’avait qu’un rêve, mettre en pratique les exhortatio­ns vibrantes de Martin Luther King au combat dans la dignité. Ce destin brisé par les préjugés et le sadisme puise en effet ses racines dans une sombre affaire qui avait secoué l’Amérique en 2013 : la découverte à Marianna, Floride, d’un charnier sur le site d’une maison de correction fermée pour raisons économique­s. Près d’une centaine de corps avaient été exhumés lors des fouilles, des mineurs exécutés sommaireme­nt. Les romanciers ne changent pas le monde, mais il arrive que leurs livres y mettent un peu de justice, c’est le cas de ce bouleversa­nt tombeau élevé à la mémoire de gamins dont la couleur de peau fut le seul crime…

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