POURQUOI LA FRANCE EST MAL ARMÉE CONTRE LES MIGRANTS RADICALISÉS
De la non-pénalisation du séjour irrégulier aux délais de recours extensibles, le directeur général de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (Ofii) depuis 2015, détaille les procédures qui rendent notre pays vulnérable.
La reconduite à la frontière est extrêmement encadrée sur le plan du droit dans notre pays. Une réponse négative de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra) à une demande d’asile est susceptible de recours devant la Cour nationale du droit d’asile (CNDA), qui est un tribunal administratif, excroissance du Conseil d’État. Les déboutés qui veulent contester une décision de l’Ofpra bénéficient automatiquement de l’assistance d’un avocat payé par l’aide juridictionnelle. Depuis la loi asile et immigration de 2018, le recours devant la CNDA n’est plus suspensif de la reconduite à la frontière quand le demandeur vient d’un pays considéré comme sûr. Cette mesure visait à tarir le flux de migrants albanais et géorgiens, qui étaient, avant cette date, les demandeurs les plus nombreux, derrière les Afghans.
UNE DURÉE MOYENNE DE RÉTENTION DE 17 JOURS
La convention de Genève a élargi les cas qui donnent droit au statut de réfugié à des personnes qui ne sont pas forcément des « combattants de la liberté » mais qui sont discriminées pour d’autres raisons. Le résultat, c’est que des personnes protégées peuvent être culturellement éloignées de nos critères. Théoriquement, l’Ofpra est attentive au fait que l’on ne doit pas donner l’asile à des personnes dont la philosophie serait contraire à nos valeurs. Quand la réponse de l’Ofpra est négative, le débouté dispose d’un délai de quinze jours pour déposer un recours. Si celui-ci échoue ou que le pays d’origine est considéré comme sûr, il revient au préfet d’émettre une obligation de quitter le territoire (OQT). Le ministre de l’Intérieur donne des consignes aux préfets pour agir, mais le nombre de dossiers à traiter est considérable : l’Ofpra refuse environ 100 000 demandes d’asile par an ! La personne qui fait l’objet d’une OQT a un mois pour la contester. Il faut bien comprendre que, depuis la loi du 31 décembre 2012, le séjour irrégulier en France n’est plus un délit. Concrètement, un policier ne peut pas arrêter quelqu’un parce qu’il le soupçonne d’être sans papiers. De plus, un étranger sans titre de séjour ne peut être maintenu dans un centre de rétention administrative (CRA) que si l’OQT date de plus d’un mois. La loi autorise à l’y garder quatrevingt-dix jours, période à l’issue de laquelle il est libéré si sa reconduction n’a pas pu avoir lieu. En GrandeBretagne, la rétention peut aller jusqu’à un an. En fait, chez nous, la durée moyenne de la rétention est de dix-sept jours. Les places en CRA sont trop peu nombreuses, raison pour laquelle le ministre propose d’en construire de nouvelles. L’examen d’une demande d’asile ne purge pas tous les motifs qui peuvent donner droit à un titre de séjour. Très souvent, les déboutés déposent une demande auprès de l’Ofii en invoquant un état de santé qui ne permettrait pas de les expulser. Jusqu’en 2016, les dossiers étaient traités par les agences régionales de santé (ARS), avec un taux de réponses positives de près de 80 %. Depuis que nous les gérons, il a chuté à 50 %. Nous avons mis en place un système extrêmement rigoureux. Chaque cas est examiné par au moins trois médecins, tirés au sort de manière aléatoire pour chaque demandeur. Nous avons instauré l’identitovigilance – le dossier d’une personne doit obligatoirement comporter sa photo – et, surtout, nous avons passé des accords avec des laboratoires d’analyses pour que les examens soient immédiats, ce qui évite les trafics de résultats. Ce changement de procédure a, à lui seul, contribué à faire baisser le nombre de demandes d’environ un tiers. L’information a circulé !
LE TEST PCR, UN NOUVEAU PROBLÈME
Au bout du processus, la reconduction à la frontière peut se heurter à d’autres obstacles. On connaît celui de la mauvaise volonté de certains pays d’origine à reconnaître leurs ressortissants et à délivrer des laissezpasser consulaires et les problèmes de sécurité liés à l’embarquement dans un avion d’un passager récalcitrant. Un nouveau problème a surgi avec la crise sanitaire : on ne peut pas pratiquer de force un test PCR, or, il est exigé par de nombreux pays de retour. La justice doit alors intervenir. Elle l’a fait dans quelques cas. ■
* Auteur de Misère(s) de l’islam de France, Éditions du Cerf, « LeXio Politique », 164 p., 8 €.