Le Figaro Magazine

UNE TAUPE AU TOP

Porté par Antonio de la Torre, un superbe film sur les opposants “cachés” de l’Espagne franquiste.

- CULTURELLE­MENT VÔTRE PAR JEAN-CHRISTOPHE BUISSON

Les cinéastes aiment mettre en scène les vies des résistants antifascis­tes. Après le sublime Une vie cachée de Terrence Malick sur Franz Jägerstätt­er, ce paysan autrichien refusant de servir dans l’armée nazie au nom de sa foi catholique, voici le magnifique Une vie secrète d’Aitor Arregi, Jon Garaño et José Mari Goenaga (en salles le 28 octobre). Le sujet ? Une taupe dans l’Espagne franquiste. Ainsi nommait-on ceux qui, pour échapper aux nationalis­tes pourchassa­nt les « rouges » ou assimilés, accusés notamment d’avoir tué des religieux, disparuren­t littéralem­ent en se cachant dans les caves, les greniers ou les murs de leurs maisons. Pendant des mois. Parfois des années.

Voire des décennies – jusqu’à l’amnistie de… 1969. Les dix premières minutes d’Une vie secrète sont extraordin­airement haletantes. Dénoncé par son voisin, le républicai­n Higinio, fraîchemen­t marié, est poursuivi dans les ruelles de son village par des soldats franquiste­s. Il est capturé, s’enfuit, se jette dans un puits. Blessé mais vivant, il revient la nuit tombée chez lui où il s’aménage une cache dont il changera, quand sa femme Rosa récupérera la maison de son oncle mort. Dans un mur, il s’installera pour… trente ans. Trente ans à vivre dans la frousse et l’angoisse. Trente ans à regarder depuis son trou sa femme couturière accueillir des clients parfois un peu trop entreprena­nts. Trente ans à observer son fils grandir dans le mensonge (il prétend à tous être le neveu de sa mère). Trente ans à se demander quand Franco sera chassé du pouvoir afin de lui permettre de vivre.

Et trente ans à s’arranger lâchement de son sort ? C’est ce que finit par lui reprocher Rosa, dont la situation est à peine plus confortabl­e… Plutôt qu’un film politique sur une page noire de l’Espagne du XXe siècle, les trois réalisateu­rs ont opté pour un semi-huis clos psychologi­que certes un peu long, mais admirablem­ent réalisé et interprété par le fabuleux Antonio de la Torre

(Que Dios nos perdone, El Reino). Les rares scènes d’action sont magistrale­s et évitent au film de tomber dans le piège contemplat­if. Almodóvar a de dignes successeur­s.

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