MENU DU SOIR
Le couvre-feu, quelle bonne affaire. Plus de séance de cinéma à 20 heures, le théâtre seulement en matinée. Les éditeurs se frottent les mains. Ils se souviennent avec le rose qui leur monte aux joues que durant l’Occupation les gens faisaient la queue devant les librairies. Ils oublient que c’était pour acheter Les Décombres, de Lucien Rebatet. Gloups. Les soirées vont être longues. Le catalogue de Netflix n’est pas infini. On rêvera de nappes blanches, de serveurs au garde-à-vous, de menus rédigés à l’encre violette, d’adieux sur les trottoirs nocturnes. Les films serviront de guides gastronomiques. Ils ressembleront bientôt aux dessins de la grotte de Lascaux. Certains mettront l’eau à la bouche. Louis de Funès dirigeait Septime, Le Grand Restaurant sur les Champs-Élysées (comment s’appelait celui où il officiait dans
Le Gentleman d’Epsom ?). Le Gabin de Voici le temps des assassins ne chômait pas derrière le comptoir de son établissement aux Halles. Garçon ! se passait dans une brasserie reconstituée en studio. Parenthèse : Montand et ses collègues s’offraient un dîner chez Lasserre qui existe vraiment et où le toit s’ouvre sur le ciel étoilé. À domicile, les habitants des métropoles seront priés d’imiter
La Grande Bouffe. Il faudra commander les plats chez Fauchon. Prévoir des estomacs d’acier. Penser à inviter Andréa Ferréol. Personne n’en sortira vivant.