Le Figaro Magazine

DU JAZZ DANS LE GUIDON

★★★ Jazz à l’âme, de William Melvin Kelley, Delcourt, 247 p., 20,50 €. Traduit de l’anglais (États-Unis) par Éric Moreau.

- LE MARQUE-PAGE DE NICOLAS UNGEMUTH

Ça commence mal : Ludlow Washington, enfant noir et aveugle, est largué par ses parents dans un pensionnat spécialisé pour les non-voyants dans le sud des États-Unis.

Il ne les verra plus jamais (sans mauvais jeu de mots). Quelques années plus tard, il deviendra un trompettis­te de légende.

Jazz à l’âme raconte cette odyssée. Ludlow grandit dans le Sud. Chaque chapitre commence par des bouts d’interviews puis se poursuit comme un journal. Après l’internat où il est « l’esclave » d’un élève plus âgé, il devient l’esclave d’un groupe de jazz, à tendance traditionn­elle. Mais Ludlow a d’autres goûts, quitte sa femme avec qui il a eu un enfant, et gagne New York, la Mecque du « modern jazz », c’est-à-dire le be-bop. Il y rencontrer­a la gloire, et deviendra fou amoureux d’une femme blanche fanatique de sa musique, qui le quittera car, à l’époque, il était compliqué de se marier avec un Noir, aveugle de surcroît. Après quoi viendront la déchéance, l’hôpital psychiatri­que et l’arrêt des concerts. Ce roman écrit en 1965 par un écrivain noir frappe fort. Tous les musiciens ont des noms fictifs, mais on reconnaît ici et là Art Tatum, Charlie Parker, Billie Holiday, Clifford Brown ou Jay Jay Johnson. William Melvin

Kelley, auteur aussi du cultissime Un autre tambour, est considéré comme l’un des plus grands écrivains afro-américains de son temps. Le New Yorker lui a consacré un article-fleuve intitulé

« Le géant oublié de la littératur­e américaine ». On comprend pourquoi en lisant ce roman qui sonne comme un solo de trompette de Dizzy Gillespie.

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