Le Figaro Magazine

TOUTE LA LUMIÈRE SUR DUCRU-BEAUCAILLO­U

Un millésime 2019 loué par la critique, une gamme élargie, un nouveau chai à venir… Le château qui fête son 300e anniversai­re séduit plus que jamais.

- Par Stéphane Reynaud

Avec un pique-nique sur le ponton, au bord de l’estuaire de la Gironde, éclairé par les lampes à carbure, oui, on n’est pas loin de quelque chose de très bien. En tout cas, moi je suis superheure­ux ici, explique Bruno-Eugène Borie. Imaginez, l’été, quand il n’y a plus une voiture, plus un tracteur… » Ici, c’est chez lui, c’est le Château Ducru-Beaucaillo­u, dont il connaît le nom de chaque motte de terre. « Notre vignoble, nous le ressentons. Nous sommes quelques-uns comme cela à Saint-Julien. Il y a les familles Delon, les Barton… Nous savons qu’il va y avoir du mildiou avant qu’il n’y en ait. Nous savons si le millésime sera bon.»

D’ailleurs, c’est un carton plein pour le millésime 2019 : Château Ducru-Beaucaillo­u a obtenu des notes formidable­s de la part de différents critiques venus goûter la cuvée, tels James Suckling, Jane Anson (Decanter), Neal Martin (Vinous) et notre consoeur du Figaro Valérie Faust. Ce qui en fait le meilleur élève de Saint-Julien et un des plus remarqués du Médoc.

Un joli dopant alors que les ventes s’annonçaien­t difficiles dans un contexte de campagne de primeur bousculée par la crise sanitaire. Les critiques n’ont pas pu venir sur place pour déguster, alors Bruno-Eugène Borie et quelques autres ont trouvé la solution, résumée en trois lettres : WIT, pour Wine In Tube, quelques centilitre­s dans un tube à essai. Il a ainsi envoyé 150 échantillo­ns de son dernier vin partout dans le monde.

Le domaine est animé par le progrès technique et la recherche permanente

Pour accompagne­r ce carnet de notes exceptionn­el, le propriétai­re Bruno-Eugène Borie présente une gamme élargie. Avant, il y avait Château Ducru-Beaucaillo­u, l’illustre premier vin du domaine. Il y a désormais Madame de Beaucaillo­u, issu de ses terres du Haut-Médoc, un vin d’initiation, fruité, qui se boit jeune, vendu moins de 20 euros, « la garantie d’une signature pour 10 000 caisses » par an, selon Bruno-Eugène Borie. Et puis, il y a toujours La Croix Ducru-Beaucaillo­u, un second qui n’en a pas le nom mais surtout une cuvée de haute volée, puissante et parfumée. À ses côtés, on retrouve Le Petit Ducru, le troisième vin de la famille, dont le 2019 présente des tanins très ronds et soyeux. « Ces vins, très précis et très purs, sont consommabl­es maintenant ou plus tard. C’est le progrès technique et la production de baies parfaites qui nous ont donné la possibilit­é de les fabriquer. » Une belle gamme, un joli arsenal commercial. Pour l’image, il y a toujours le château, une ancienne maison girondine à laquelle furent ajoutés, au cours du XIXe siècle, une façade Directoire, puis le parc, avec ses gloriettes pensées pour les jeux courtois et les dégustatio­ns joyeuses. L’intérieur du bâtiment principal vient d’être réaménagé, superbe, dans l’air du temps. Des pièces immenses où trônent les oeuvres acquises au fil du temps par BrunoEugèn­e Borie. On y croise Bacchus et Hermès.

LES AMBITIONS DU PATRON

Tous ces changement­s devraient être couronnés par l’érection d’un nouveau chai, taille XXL, destiné à accueillir les raisins issus des 105 hectares de vigne – dont 95 plantés. Un outil technique magistral « qui reprend toutes les dernières technologi­es développée­s dans la région. Nous allons l’associer à une ferme solaire, et nous allons aussi recourir à l’énergie hydrogène. » Bruno-Eugène Borie présente l’édifice futur, encore au stade de maquette. La première version a été retoquée par les autorités compétente­s. « Il a été considéré comme trop volumineux, trop proche du fleuve. » Quelques ajustement­s sont nécessaire­s avant le lancement des travaux. Borie croit au progrès technique, à la recherche « indispensa­ble si l’on veut faire un bond en avant ». Il n’y a qu’à jeter un oeil à l’immense zone dédiée au matériel agricole, où tracteurs et machines diverses sont disposés dans leur garage comme des Formule 1 dans leur stand, pour comprendre les ambitions du patron. Un peu plus loin, ce sont six ventilateu­rs géants qui attendent une alerte de gel. Une armée de pales métallique­s qui, une fois déployée dans la vigne, peut faire monter la températur­e de 2 °C. « Il vaut mieux être activiste que fataliste », commente-t-il. Une sorte de leitmotiv depuis trois cents ans. ■

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Château Ducru-Beaucaillo­u.

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