LES CLÉS POUR COMPRENDRE
Samedi 31 octobre, les Ivoiriens sont appelés à élire leur président. Contrairement à ses promesses, le sortant Alassane Ouattara brigue un troisième mandat. L’opposition appelle à boycotter le scrutin et des violences ont déjà éclaté.
1 LA VOLTE-FACE DE OUATTARA
Le sort de l’élection présidentielle ivoirienne a basculé le 8 juillet dernier. Ce soir-là, le premier ministre Amadou Gon Coulibaly, 61 ans, est terrassé par un infarctus. Dauphin du président sortant Alassane Ouattara, il avait reçu l’investiture du Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP) afin de porter ses couleurs lors du scrutin présidentiel du 31 octobre, dont il était le favori. Cette mort brutale a complètement rebattu les cartes dans le clan présidentiel. Coulibaly avait été désigné contre l’avis des caciques du parti qui pensaient succéder au chef de l’État. Un mois plus tard, pour éviter de rouvrir les divisions au sein de sa formation politique, Alassane Ouattara, 78 ans, a annoncé qu’il briguait un troisième mandat. En se lançant dans la course à la présidence, le sortant s’est affranchi de la règle constitutionnelle fixée à deux mandats au maximum. Il a brisé l’engagement pris non seulement devant le peuple ivoirien, mais aussi avec ses pairs de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao) et, accessoirement, avec la France, partenaire clé de la Côte d’Ivoire.
2 LE BOYCOTT DES OPPOSANTS
Pour les opposants à Ouattara, sa candidature est illégale. La présidence, elle, fait valoir que la Constitution ayant été adoptée en 2016 – Ouattara a remporté les élections en 2010 et en 2015 –, « les compteurs ont été remis à zéro ». L’opposition souligne aussi que sur les 44 candidatures déposées, seules quatre ont été validées par la Cour constitutionnelle. Parmi les retoqués, deux personnalités populaires en exil : l’ancien président Laurent Gbagbo, acquitté par la Cour pénale internationale, mais sous le coup d’une condamnation à Abidjan assortie d’une privation de ses droits civiques, ainsi que l’ancien premier ministre Guillaume Soro, lui aussi condamné et privé de ses droits civiques. L’ex-président Henri Konan Bédié, 86 ans, a, lui, obtenu le feu vert, de même que Pascal Affi N’Guessan, qui fut un proche de Gbagbo. Mais ces deux-là boycottent l’élection et appellent leurs militants à « empêcher la tenue de toute opération liée au scrutin ». Ils exigent un dialogue, catégoriquement rejeté par Alassane Ouattara : « Un dialogue pour faire quoi ? Nous avons des institutions qui ont décidé que nous serons quatre candidats. »
3 LE RETOUR DES VIOLENCES
Dès le début de la campagne officielle, le 15 octobre, des violences ont éclaté. À Bongouanou, fief de Pascal Affi N’Guessan, situé à 200 kilomètres au nord d’Abidjan, des affrontements entre Agnis, supporters de l’opposant, et Dioulas, musulmans réputés proches du président Ouattara, ont eu lieu. Lundi 19 octobre, le bilan (provisoire) faisait état de deux morts. En août et septembre derniers déjà, des violences intercommunautaires liées à l’élection présidentielle avaient provoqué une quinzaine de morts. On peut craindre un embrasement général comme en 2010-2011 lorsque Laurent Gbagbo refusa de reconnaître la victoire d’Alassane Ouattara. La guerre civile fit 3 000 morts. Le spectre de « l’ivoirité » est de retour. Utilisé il y a une trentaine d’années par Henri Konan Bédié, ce concept idéologique réservait la nationalité aux descendants de quatre grands-parents ivoiriens. La manoeuvre visait à écarter Ouattara de la vie politique et Laurent Gbagbo en usa à son tour en 2010. Plus généralement, l’ivoirité vise à discriminer les musulmans venus du Nord, notamment du Burkina Faso, installés depuis des décennies.