LES RENDEZ-VOUS
Connu pour son amour du langage et des mots, le professeur au Collège de France avait une autre passion qu’il gardait secrète : celle de la musique sous toutes ses formes.
de J-R Van der Plaetsen
On le sait : Claude Hagège a les mots dans la peau. Certains se souviennent de fameuses émissions chez Bernard Pivot auxquelles il participa à la grande époque d’« Apostrophes ». C’était, à chaque fois, un festival d’intelligence, un feu d’artifice de l’esprit, des fulgurances de mots, des fusées de verbes et d’adjectifs multicolores. Non seulement Claude Hagège a appris au grand public que l’étude de la langue était une science, mais il a aussi donné un visage à la linguistique – discipline qui fut, avant que ce professeur au Collège de France ne vienne nous éclairer, obscure, voire hermétique. « Il y a des linguistes sémanticiens, des linguistes phonéticiens, des linguistes syntacticiens et des linguistes typologistes, dit-il, ajoutant : j’appartiens à cette dernière famille. »
On sait moins que Claude Hagège a aussi les notes dans le sang. Issu d’une famille de musiciens, il a bien failli devenir chef d’orchestre. À la
LA MUSIQUE OU LA MORT, de Claude Hagège, Odile Jacob, 230 p., 21,90 €.
façon de Clemenceau qui voyait en la Révolution française un bloc dont on ne peut rien retirer, la musique forme un tout aux oreilles d’Hagège. Symphonies, concertos, sonates, quatuors, opéras : tout lui va, pourvu que la mélodie, le timbre, l’interprétation ou l’exécution de l’oeuvre lui procurent l’ivresse des notes.
« Je suis moi-même violoniste, dit-il, et je joue dans un quatuor. Nous nous réunissons chaque mois, parfois en formation de quintette, pour jouer de la musique de chambre. » Et d’ajouter : « Je mourrais s’il n’y avait pas de musique. »
D’où le titre de son dernier ouvrage,
La Musique ou la Mort, livre qui n’a rien de lugubre, étant au contraire une ode à la joie. Dans cet essai très personnel, qui est une somme d’émotions constituées de notes, de bémols et de portées, Hagège montre, en universitaire mais aussi en poète, comment, grâce au génie de quelques-uns, la musique a pu devenir, plus encore que la peinture ou la sculpture, un langage universel.
“Le plaisir esthétique suscité par une oeuvre d’art plastique ne pénètre pas l’oeil comme une onde musicale pénètre le tympan”