CULTURELLEMENT INCORRECT

Muray, reviens, ils sont devenus de plus en plus fous !

LA CHRONIQUE de François d’Orcival

L’Histoire aime à se répéter – parfois en farce, parfois en tragédie, parfois en comédie dramatique… Ceux qui en douteraient peuvent plonger dans ces textes datant des années 2000 signés d’un observateur subtil, dont la grâce stylistique le disputait à la lucidité érudite. Il s’est envolé, mais ses mots sont restés, et un éditeur avisé les réimprime en édition de poche. Il s’agit de Philippe Muray.

Ses Exorcismes spirituels II * auraient pu être écrits hier, aujourd’hui, demain. Ainsi de ses réflexions sur le combat entre la laïcité et le communautarisme (« le Moderne, dans cette affaire comme dans les autres, s’affrontera à lui-même »). Sur les pratiques inquisitoriales d’une Police de la Pensée qui traque la Réaction dans les endroits les plus improbables. Sur les grands esprits qui réclament « de vrais débats » et se félicitent dans le même temps que des choses de plus en plus nombreuses ne fassent pas débat. Sur l’émergence d’un nouveau délit post-orwellien allant au-delà du « crime-pensée » : l’arrière-pensée. Sur le sourire (aujourd’hui de retour) de Ségolène Royal, « qui descend du socialisme à la façon dont l’homme descend du coelacanthe. […] C’est un sourire de nettoyage et d’épuration. Il prend tout sur lui, christiquement ou plutôt ségolènement. C’est le Dalaï Mama du IIIe millénaire. L’Axe du Bien lui passe par le travers des commissures ». Sur l’effroyable Jardin (Alexandre), dont « émane une sottise hors du commun dont on le voit pétiller comme d’autres pétillent d’intelligence ».

Et surtout, surtout, sur le politiquement correct, dont les champions combattent contre « la logique de l’exclusion et toutes les discriminations » dont se rendrait coupable la France, et qui tentent, entre autres, de repérer « certaines “potentialités objectives” qui rendent l’humour “susceptible de dérapages” » (le pauvre Laurent Ruquier en sait quelque chose depuis quelques jours…). Depuis vingt ans au moins, ces gens-là « luttent » inlassablement ; ils nous fatiguent toujours autant.

* Notre temps est si rongé de bonnes intentions, si désireux de faire le bien qu’il voit le mal partout, Perrin/tempus, 502 p., 10 €.