LA PAGE HISTOIRE
de Jean Sévillia
En octobre 1795, la Constitution de l’an III confie le pouvoir exécutif de la République française à un directoire de cinq membres. Élus par les deux assemblées législatives, ceux-ci assurent une présidence tournante tandis que, tous les ans, l’un d’eux, tiré au sort, doit être remplacé. Les premiers directeurs, dont les plus connus sont Barras et Carnot, sont tous des régicides, mais aspirent à rompre avec les excès de la défunte Convention.
Aux termes de la Constitution, deux tiers des parlementaires sont d’anciens conventionnels, mais le dernier tiers, librement choisi par les électeurs, est formé de modérés et de royalistes. Aux élections d’avril 1797, ces derniers deviennent majoritaires, ce qui pousse les directeurs à faire appel à l’armée après avoir annulé l’élection de dizaines de députés : le coup d’État du 4 septembre 1797 (18 fructidor an V) ressuscite l’esprit révolutionnaire. Aux élections d’avril 1798, à l’inverse, la progression des Jacobins conduit le Directoire à invalider une centaine de députés radicaux. Cette poussée à gauche s’observe de nouveau, en juin 1799, quand le coup d’État du 30 prairial an VII contraint trois directeurs à la démission et aboutit à leur remplacement par des extrémistes.
Un coup à droite, un coup à gauche : pour sortir de ces continuels balancements et conjurer l’anarchie ambiante, Sieyès, un des directeurs, cherche une figure populaire, capable d’imposer une révision constitutionnelle qui passe par un renforcement de l’exécutif. Cette figure sera Bonaparte, qui prendra le pouvoir, les 9 et 10 novembre 1799 (18 et 19 brumaire an VIII), et qui, marginalisant Sieyès et se faisant nommer Premier consul, liquidera le Directoire. Ce régime de transition n’aura pas atteint son but, qui était de concilier l’ordre et la République. Pourquoi ? Cet échec était-il inéluctable ?
Dans un précieux livre collectif, une quinzaine d’historiens, réunis sous la houlette de Loris Chavanette, un spécialiste de la Révolution et du premier Empire, dressent un bilan de cette époque charnière, qui pose une question née avec la Terreur : comment fait-on pour terminer une Révolution, et y parvient-on jamais ?
Le Directoire. Forger la République, 1795-1799, sous la direction de Loris Chavanette, CNRS éditions, 337 p., 25 €.