EN SOI, PAR SOI ET AVEC SOI
Pour faire un républicain […], il faut prendre l’être humain […] et lui donner l’idée qu’il faut penser par lui-même. » Ainsi parle Emmanuel Macron citant Ferdinand Buisson. En sous-texte, une antienne kantienne revisitée et tant de fois ânonnée : « Les “Lumières” se définissent comme la sortie de l’homme hors de l’état de tutelle… L’état de tutelle est l’incapacité de se servir de son entendement sans être dirigé par un autre. »
Penser par soi-même ! On est ici au coeur du réacteur républicain qui fait du « soi-même » une valeur absolue, origine et fin de toute pensée digne de ce nom. Il s’ensuit que toute limite à cette auto-affirmation ne peut être qu’une servitude qui doit être abolie. Émancipation est le nom de cet impératif catégorique. Il somme l’être humain de s’arracher à toute appartenance. D’en finir avec toute identité reçue, donc carcérale, qu’elle soit singulière ou collective : famille, cités, nation, empire…
Mais aussi et surtout : langue, histoire, culture, religion, civilisation, car l’émancipation est totale ou n’est pas.
Un tel culte du soi par soi ne peut mener qu’à « Homo abstractus » : un être réduit à n’être que pure identité à soi et vidé de tout autre contenu ; une tautologie spectrale. Il est permis de refuser cette assignation en pensant contre soi afin de se libérer du même. Afin de s’émanciper de l’émancipation elle-même.