UN MONUMENT DE L’ESPIONNAGE
★★★ Richard Sorge, un espion parfait, d’Owen Matthews, Perrin, 480 p., 24 €.
La première moitié du XXe siècle a engendré les régimes les plus meurtriers de l’Histoire. Elle a aussi produit des destins hors du commun. La vie de Richard Sorge est de ceux-ci. Le plus célèbre espion soviétique infiltré chez les nazis, qui annonça à Staline qu’Hitler s’apprêtait à attaquer l’URSS – ce que l’intéressé n’a pas cru –, a mené une existence romanesque, relatée avec brio par Owen Matthews. Du Caucase tsariste, où il est né en 1895 d’un père allemand et d’une mère russe, au Japon impérial en passant par l’Allemagne, l’Union soviétique naissante et la Chine, le récit rebondit d’une page historique à l’autre. En 1914, Richard n’a pas 20 ans quand il s’engage dans l’armée allemande. Fauché en mars 1916, il a les deux jambes brisées. À la sortie du lazaret, boiteux, il rejoint les communistes allemands. Pourchassé, il fuit à Moscou et devient agent du Komintern avant de retourner à Francfort. Protégé par une couverture de journaliste, il s’installe ensuite à Shanghaï, d’où il renseigne l’URSS sur la guerre sino-japonaise. En 1933, à l’avènement du nazisme, les Soviétiques l’envoient à Tokyo. Il y devient correspondant de journaux allemands. Là, figure de la communauté germanophone, il se lie avec l’ambassadeur du Reich, qui lui donne accès à tous les télégrammes confidentiels…
Espion d’élite, Sorge se doublait d’une personnalité haute en couleur. Buveur, séducteur, fou de vitesse, il ne péchait pas par excès de discrétion et finira démasqué. Le « James Bond rouge » achèvera son existence en 1944, pendu dans la cour d’une prison de Tokyo.