FACE À LA CRISE SANITAIRE, NOUS AVONS INVENTÉ DE NOUVELLES MANIÈRES DE FAIRE
Marie-Aleth Grard préside l’association ATD (agir tous pour la dignité) Quart Monde. Elle explique comment l’association agit pour préserver la dignité des plus pauvres, en pleine crise sanitaire.
Vous participez au Conseil scientifique Covid-19. Votre voix est-elle entendue ? Plus de 4 millions de personnes vivent en France dans un logement insalubre, à la rue ou dans des bidonvilles. Nous avons obtenu la suspension des expulsions, notamment dans les bidonvilles, pour ne pas voir des familles sur les routes en pleine crise sanitaire. Mais nous réclamons encore et toujours des hébergements pérennes pour les familles qui, avec 3, 4 ou 5 enfants, vivent dans la rue, en pleine épidémie, alors que le froid arrive.
Comment l’association fait-elle face à la crise sanitaire ?
Nous poursuivons nos projets partout en France. Nous nous attachons à rester au contact de chacune des familles accompagnées, les plus pauvres étant particulièrement vulnérables face au virus. Les bibliothèques de rue ont repris mais il était plus compliqué de maintenir le colportage culturel, faute de pouvoir entrer au domicile des familles. Nous avons donc inventé de nouvelles manières de faire en allant lire par exemple des livres aux enfants par la fenêtre ou sur le palier. Nous avons aussi accueilli les familles de notre centre d’hébergement et de réinsertion social de Noisy-le-Grand, logées en appartements, dans le grand jardin que nous avons. Cela leur permet de souffler au milieu de la nature, après des jours de confinement.
Bénéficiez-vous du relèvement du plafond de dons à 1 000 € ?
Non, car nous n’apportons pas d’aide alimentaire. Ce plafond bénéficie aux associations qui distribuent des repas et qui ont dû mobiliser leurs réserves financières pour distribuer un nombre de repas colossal et couvrir les besoins qui ont explosé avec la crise sanitaire. Ce n’est plus acceptable ni soutenable de répondre ainsi à l’extrême pauvreté dans un pays comme le nôtre, 6e puissance mondiale. Il est humiliant d’avoir à demander de la nourriture. Les personnes attendent la dernière extrémité, parfois plusieurs jours sans manger, avant de s’y résoudre.
Quelle est l’importance des dons pour ATD Quart Monde ?
Ils sont essentiels pour notre action, non seulement parce que les subventions publiques baissent, mais aussi pour garder une certaine liberté dans le choix des travaux que nous engageons auprès des plus pauvres. Nous avons des volontaires permanents qui vivent auprès des personnes démunies pour expérimenter et trouver, avec elles, les moyens de sortir de cette extrême pauvreté. Nous rémunérons ainsi une centaine de volontaires qui vivent à leur côté. Maçons ou polytechniciens, ils mettent leur vie au service du mouvement d’ATD Quart Monde, logés et rémunérés 600 € par mois. Nous ne recevons pas forcément de subventions pour financer les travaux qu’ils mènent. Cela dépend des projets auxquels ils participent.
Que peut-on faire en tant que simple bénévole ?
Les bénévoles, nous les appelons des alliés car ils font alliance avec les plus pauvres pour faire changer la société autour d’eux. Ils peuvent participer aux bibliothèques de rue, animer des ateliers dans les festivals des arts et des savoirs que nous montons dans les quartiers populaires, avec des artistes et des artisans. Ou encore accompagner et soutenir les familles dans leurs démarches pour trouver un logement, obtenir un emploi ou inscrire les enfants à l’école et à la cantine.
Que faire si on souhaite donner ou s’engager ?
Aller sur notre site Atd-quartmonde.fr pour y faire un don ou proposer ses services. On peut aussi y entendre la voix des plus pauvres, qui sont volontaires pour être partie prenante de la société, comme tout un chacun, pour que nous vivions à égale dignité. Nous avons beaucoup travaillé avec l’ancien Défenseur des droits, Jacques Toubon, à faire reconnaître la précarité sociale comme 21e critère de discrimination sociale. Nous continuerons nos actions avec Claire Hédon, qui lui a succédé en juillet dernier et qui connaît bien notre problématique, puisqu’elle présidait ATD Quart Monde jusque-là. ■