Le Figaro Magazine

FACE À LA CRISE SANITAIRE, NOUS AVONS INVENTÉ DE NOUVELLES MANIÈRES DE FAIRE

Marie-Aleth Grard préside l’associatio­n ATD (agir tous pour la dignité) Quart Monde. Elle explique comment l’associatio­n agit pour préserver la dignité des plus pauvres, en pleine crise sanitaire.

- Propos recueillis par Frédérique Schmidiger

Vous participez au Conseil scientifiq­ue Covid-19. Votre voix est-elle entendue ? Plus de 4 millions de personnes vivent en France dans un logement insalubre, à la rue ou dans des bidonville­s. Nous avons obtenu la suspension des expulsions, notamment dans les bidonville­s, pour ne pas voir des familles sur les routes en pleine crise sanitaire. Mais nous réclamons encore et toujours des hébergemen­ts pérennes pour les familles qui, avec 3, 4 ou 5 enfants, vivent dans la rue, en pleine épidémie, alors que le froid arrive.

Comment l’associatio­n fait-elle face à la crise sanitaire ?

Nous poursuivon­s nos projets partout en France. Nous nous attachons à rester au contact de chacune des familles accompagné­es, les plus pauvres étant particuliè­rement vulnérable­s face au virus. Les bibliothèq­ues de rue ont repris mais il était plus compliqué de maintenir le colportage culturel, faute de pouvoir entrer au domicile des familles. Nous avons donc inventé de nouvelles manières de faire en allant lire par exemple des livres aux enfants par la fenêtre ou sur le palier. Nous avons aussi accueilli les familles de notre centre d’hébergemen­t et de réinsertio­n social de Noisy-le-Grand, logées en appartemen­ts, dans le grand jardin que nous avons. Cela leur permet de souffler au milieu de la nature, après des jours de confinemen­t.

Bénéficiez-vous du relèvement du plafond de dons à 1 000 € ?

Non, car nous n’apportons pas d’aide alimentair­e. Ce plafond bénéficie aux associatio­ns qui distribuen­t des repas et qui ont dû mobiliser leurs réserves financière­s pour distribuer un nombre de repas colossal et couvrir les besoins qui ont explosé avec la crise sanitaire. Ce n’est plus acceptable ni soutenable de répondre ainsi à l’extrême pauvreté dans un pays comme le nôtre, 6e puissance mondiale. Il est humiliant d’avoir à demander de la nourriture. Les personnes attendent la dernière extrémité, parfois plusieurs jours sans manger, avant de s’y résoudre.

Quelle est l’importance des dons pour ATD Quart Monde ?

Ils sont essentiels pour notre action, non seulement parce que les subvention­s publiques baissent, mais aussi pour garder une certaine liberté dans le choix des travaux que nous engageons auprès des plus pauvres. Nous avons des volontaire­s permanents qui vivent auprès des personnes démunies pour expériment­er et trouver, avec elles, les moyens de sortir de cette extrême pauvreté. Nous rémunérons ainsi une centaine de volontaire­s qui vivent à leur côté. Maçons ou polytechni­ciens, ils mettent leur vie au service du mouvement d’ATD Quart Monde, logés et rémunérés 600 € par mois. Nous ne recevons pas forcément de subvention­s pour financer les travaux qu’ils mènent. Cela dépend des projets auxquels ils participen­t.

Que peut-on faire en tant que simple bénévole ?

Les bénévoles, nous les appelons des alliés car ils font alliance avec les plus pauvres pour faire changer la société autour d’eux. Ils peuvent participer aux bibliothèq­ues de rue, animer des ateliers dans les festivals des arts et des savoirs que nous montons dans les quartiers populaires, avec des artistes et des artisans. Ou encore accompagne­r et soutenir les familles dans leurs démarches pour trouver un logement, obtenir un emploi ou inscrire les enfants à l’école et à la cantine.

Que faire si on souhaite donner ou s’engager ?

Aller sur notre site Atd-quartmonde.fr pour y faire un don ou proposer ses services. On peut aussi y entendre la voix des plus pauvres, qui sont volontaire­s pour être partie prenante de la société, comme tout un chacun, pour que nous vivions à égale dignité. Nous avons beaucoup travaillé avec l’ancien Défenseur des droits, Jacques Toubon, à faire reconnaîtr­e la précarité sociale comme 21e critère de discrimina­tion sociale. Nous continuero­ns nos actions avec Claire Hédon, qui lui a succédé en juillet dernier et qui connaît bien notre problémati­que, puisqu’elle présidait ATD Quart Monde jusque-là. ■

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