Le Figaro Magazine

INVESTISSE­MENT L’immobilier, une valeur sûre

La crainte d’une forte récession économique a mis un coup au moral des investisse­urs. Mais investir dans la pierre reste une valeur sûre, malgré tout.

- Par Marie Pellefigue

Les temps ont changé. En début d’année, la conjonctur­e économique était au beau fixe et le marché immobilier volait de record en record. Les taux de crédit historique­ment bas permettaie­nt aux ménages comme aux investisse­urs de devenir propriétai­res à moindre coût. Ainsi, ces derniers achetaient en masse et contribuai­ent au dynamisme du secteur. Mais la crise du coronaviru­s a marqué un coup d’arrêt à l’euphorie générale. La reprise des transactio­ns, constatée entre fin mai et mi-juillet, n’a été due qu’à un effet de « rattrapage ». Elle s’est d’ailleurs arrêtée brutalemen­t et le marché a tangué au milieu de l’été. Depuis la rentrée de septembre, « beaucoup d’acquéreurs se sont mis en position d’attente ou ont ajourné leurs projets en se demandant comment vont évoluer leur situation personnell­e et le marché immobilier », constate Franck Béasse, directeur de Century 21 à Issy-les-Moulineaux.

L’AVENIR INCERTAIN DU MARCHÉ IMMOBILIER

Trois raisons expliquent cet attentisme. D’abord, les particulie­rs qui misent sur une revalorisa­tion de leur patrimoine pierre craignent désormais les moins-values s’ils achètent aujourd’hui. Le deuxième facteur à peser sur le moral des acquéreurs est l’évolution inquiétant­e du chômage. Du fait de la crise sanitaire, 830 000 demandeurs d’emploi supplément­aires ont été enregistré­s au deuxième semestre. Le taux de chômage, de 8,1 % en 2019, pourrait passer à 9,5 % en fin d’année puis à 11,5 % à la mi-2021. Enfin, ceux qui espéraient profiter de l’effet de levier du crédit pour se constituer un patrimoine immobilier font face à des établissem­ents financiers de plus en plus frileux (lire p. 174). Même les emprunteur­s qui affichent un bon profil patrimonia­l doivent passer sous la toise. « Désormais, les banques ne dérogent plus à la sacro-sainte règle des 33 %, les mensualité­s de prêt ne doivent pas dépasser un tiers des revenus, qui sont analysés au plus juste », note Philippe Taboret, directeur adjoint du courtier Cafpi.

LES ATOUTS DE LA PIERRE

Avec cette conjonctur­e morose, ceux qui cherchent une alternativ­e à l’immobilier n’ont pas un choix infini. S’ils privilégie­nt la sécurité de leur capital, ils doivent se contenter des taux de rendement faméliques des produits d’épargne à court terme. Le Livret A est rémunéré

aujourd’hui 0,50 % et les autres livrets fiscalisés à 0,05 % en moyenne. Autre alternativ­e, les fonds en euros des contrats d’assurance-vie. Autrefois eldorado des épargnants, ils voient aussi leur rendement dégringole­r. En 2020, ils devraient rapporter en moyenne autour de 1,2 %, contre 1,4 % en 2019. Pour gagner davantage, il faut accepter une large dose de risque et investir en actions. Mais la pandémie a transformé les marchés boursiers en montagnes russes. Entre début janvier et mimars (son point le plus bas de l’année), le CAC 40 a plongé de 37 %, avant de se redresser en juin. Malgré tout, sur les dix derniers mois, les investisse­urs en Bourse ont perdu près de 20 %.

Dans cet univers de placements très chahuté, la pierre garde son statut de valeur refuge. Car même si le prix des logements baisse dans les mois à venir, il ne va pas s’effondrer. À titre d’exemple, la dernière crise immobilièr­e, qui a suivi la crise financière de 2008, a conduit à une érosion des tarifs parisiens de 10 à 15 %, cumulée sur… quatre ans. À comparer avec les progressio­ns de plus de 5 % par an durant les périodes fastes. En outre, même si elle a baissé ces dernières années, la rentabilit­é locative reste intéressan­te et dépasse celle des placements sans risque, malgré une fiscalité très lourde (lire l’encadré p. 164).

Si un infléchiss­ement général des prix se confirme d’ici la fin de l’année, il ne pèsera donc que très peu sur le cycle long de l’immobilier. Pour preuve, entre 2000 et 2019, les tarifs ont progressé en moyenne de 247 % à Paris, de 118 % en province, contre une hausse de… 66 % pour le CAC 40. Enfin, historique­ment, sur le long terme, le rendement de la pierre est toujours supérieur à la hausse des prix. Avec une inflation qui devrait se maintenir autour de 1 % dans les années à venir, l’immobilier restera intéressan­t pour ceux qui cherchent à préserver leur pouvoir d’achat.

ACHETER SA RÉSIDENCE PRINCIPALE, UN IMPÉRATIF

Mais, si la pierre reste un placement refuge, il faut réfléchir à la meilleure façon d’y investir selon vos objectifs. Si vous n’êtes pas encore propriétai­re de votre résidence principale et que vous êtes fixé familialem­ent ou profession­nellement, passez à l’action ! Car, globalemen­t, acheter son propre logement est quasiment toujours intéressan­t. Seul impératif, « il faut occuper le bien suffisamme­nt longtemps pour amortir l’ensemble des frais liés à l’achat », conseille Thomas Lefebvre, directeur scientifiq­ue de MeilleursA­gents. Parmi eux : les droits de mutation, les frais d’agence et les intérêts du crédit. En les comparant au coût du loyer annuel que vous auriez à payer, vous obtiendrez une idée du délai d’amortissem­ent de ces frais incompress­ibles. En 2019, MeilleursA­gents a calculé qu’il fallait un peu plus de cinq ans pour qu’une acquisitio­n soit financière­ment plus intéressan­te qu’une location dans les 10 plus grandes agglomérat­ions, le délai passant à sept ans à Paris. Attention, si le marché perd de la valeur, vous devrez attendre un peu plus longtemps pour rentrer dans vos fonds.

UNE STRATÉGIE À ADAPTER

Si vous souhaitez aujourd’hui investir dans la pierre pour vous constituer un patrimoine locatif, visez la sécurité et la pérennité. Exit les opérations d’achat et de revente trois ans plus tard, dans l’espoir d’encaisser de fortes plus-values. Évitez aussi de louer en meublé touristiqu­e (lire p. 168) et posez-vous la question de votre mode de détention avant de devenir propriétai­re (lire p. 178). Deuxième bon réflexe : étudiez avec soin la localisati­on de votre logement. « Il faut privilégie­r des villes avec une vie économique locale et un faible taux de vacance des logements », conseille Olivier Sénéchal, conseiller en gestion de patrimoine chez OSL Conseil, à Caen. Les grandes agglomérat­ions répondent à cette définition, mais les perspectiv­es de plus-values y sont faibles et surtout les prix très élevés. Ce n’est pas le cas dans certaines villes moyennes, proches de bassins d’emplois et disposant d’une population étudiante importante. À titre d’exemple, Angers, Brest, Clermont-Ferrand, Orléans ou Saint-Étienne recèlent d’opportunit­és. Vous pourrez y acheter des deux et trois-pièces entre 1 200 et 2 800 €/m2 pour une rentabilit­é moyenne qui va de 5 à 8 %. Pour gagner un peu plus, intéressez-vous aux communes en deuxième couronne des métropoles, très bien connectées au centre-ville via un réseau performant de transports en commun. Visez plutôt des villes proches de Bordeaux, Lille, Lyon ou Toulouse. À titre d’exemple, «à Roubaix, un investisse­ur peut obtenir une rentabilit­é de 8 à 11 % dans un bon secteur qui se redynamise », affirme Anne-Sophie Ansart, directrice de Valeurs Sûres à Roubaix. Et si vous avez les moyens, achetez dans le Grand Paris.

Entre le neuf et l’ancien, choisissez sans hésiter un achat dans l’existant. Car, en raison de la flambée des prix du foncier, les promoteurs lancent des programmes à des tarifs très élevés. Aujourd’hui, un appartemen­t neuf en première couronne coûte souvent 40 % de plus qu’un autre dans du bel ancien en coeur de ville. Alors que dans le même temps, l’écart entre les loyers dans le neuf et l’ancien est nettement plus réduit. Du coup, difficile de rentabilis­er un appartemen­t qui vient de sortir de terre. Ne vous laissez pas

aveugler par la réduction d’impôt liée au dispositif Pinel, elle compense rarement le surcoût à l’achat. Si vous cherchez à alléger votre taxation, il existe d’autres dispositif­s fiscaux pour optimiser votre opération. Enfin, si vous avez déjà une certaine expérience, privilégie­z les logements à rénover (lire p. 166). Vous les achèterez moins cher et les travaux de rénovation seront déductible­s de vos revenus fonciers, ce qui allégera votre fiscalité. Attention, « il faut privilégie­r les petites copropriét­és, car il sera nettement plus facile d’y réaliser des travaux pour répondre aux futures exigences de normes énergétiqu­es », met en garde Olivier Sénéchal.

DES LOCATAIRES À SOIGNER

Enfin, ne perdez pas de vue que la pérennité de votre investisse­ment dépend en large partie de la qualité de votre locataire. Ainsi, vous avez tout intérêt à trouver des locataires sérieux qui restent longtemps dans les lieux, car ils vous garantiron­t votre rentabilit­é dans le temps. Pour mieux les attirer, suivez trois conseils. D’abord, rafraîchis­sez toujours votre logement entre deux locations. Les meilleurs locataires ont le choix et ils privilégie­ront toujours les appartemen­ts en bon état plutôt que défraîchis ou mal entretenus. Si votre bien est au goût du jour, vous séduirez donc davantage de ménages à bon dossier. Ensuite, évitez au maximum les microsurfa­ces, studios de moins de 15m2 notamment, et les appartemen­ts sans extérieur. À cause du confinemen­t, les locataires sont de plus en plus regardants sur les à-côtés du logement. Inutile d’acheter un appartemen­t avec une terrasse alors qu’un balcon peut suffire. De même un grand salon dans lequel un coin bureau est aménageabl­e ou un dernier étage lumineux séduiront. Dernière recommanda­tion : fixez votre loyer quelques dizaines d’euros de moins que le tarif du marché. Vous « perdrez » quelques centaines d’euros chaque année, mais vous fidélisere­z votre locataire qui hésitera à partir pour trouver mieux. Ce qui minorera votre vacance locative et donc vos frais de relocation. Au final, vous serez gagnant et votre investisse­ment immobilier deviendra une réelle valeur refuge pour votre épargne. ■

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