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Chaque semaine, “Le Figaro Magazine” publie une nouvelle inédite d’un écrivain

- Par Jean des Cars *

Jean des Cars

C’était une fin d’été morose. Le virus n’y était pour rien. À Buckingham Palace comme à Windsor et dans les pubs encore ouverts, on ne parlait que des dernières déclaratio­ns de Harry et Meghan. Encore eux ! Le couple, en rupture de décence, venait d’intervenir dans la campagne présidenti­elle américaine ! Harry et Meghan avaient osé appeler les Américains à voter. Et leur choix, subliminal, tendait vers le candidat démocrate. Même non nommé, c’était un scandale. Pire : cette indiscréti­on rompait le sacro-saint principe de la neutralité politique de la famille royale. Et il interférai­t dans un scrutin étranger. Shocking ! On pouvait en déduire que le duc et la duchesse de Sussex allaient revendique­r la double nationalit­é. Une honte ! Même la sulfureuse Wallis Simpson avait cessé d’être américaine en épousant le pitoyable duc de Windsor, éphémère ex-roi Édouard VIII. Seul Hitler appelait la duchesse-aventurièr­e Altesse Royale. Une provocatio­n parmi d’autres…

Au parlement de Westminste­r, que d’émois ! Aux Communes, les députés étaient scandalisé­s par les insupporta­bles Harry et Meghan. Même à la Chambre des lords, quelques dignes personnage­s, dont les perruques vacillaien­t sous leurs crânes indignés, murmuraien­t que le duc et la duchesse ne méritaient plus leur titre. Et on rappela que n’étant plus Altesses Royales, ils ne représenta­ient plus la Couronne, donc l’État. Désormais, les propos tenus par l’extravagan­t petit-fils d’Élisabeth II et son épouse ne concernaie­nt qu’eux. Le Sunday Times précisa : «… Une ligne rouge a été franchie. Le sentiment est celui d’une violation de l’accord du Megxit. » Un accord qui doit être révisé en mars 2021, après un an de retrait des Sussex de toute activité officielle. Ils s’estiment libres mais ne sont pas libres de faire ou de dire n’importe quoi, comme l’a fait Harry en osant affirmer que les Britanniqu­es sont par structure « racistes ». Harry et Meghan sont désormais des personnes privées.

Mais la reine en a tellement vu, lu et entendu que, lassée de ces mauvaises manières et des embarras diplomatiq­ues provoqués par ces gaffes, elle nomma le chef de ses corgis à la tête de la communicat­ion familiale. Un corgi ? Un chien ? Oui, moi, chef de ce clan inévitable dans la vie royale depuis des génération­s. Nous sommes la véritable garde rapprochée de Sa Majesté. Nos aboiements sont célèbres, notre façon d’être dans les jambes des humains (sauf, bien sûr, celles de notre bien aimée souveraine) exaspère souvent les intimes. Ainsi, le prince Philip nous juge insupporta­bles. Dans le dessin animé Royal Corgi, sorti au printemps 2019, le réalisateu­r a osé montrer le mari de la reine, en pyjama dans le lit conjugal, se délectant de la lecture du livre Comment tuer un chien. Une honte.

Je me permets de rappeler qu’au moment de l’inaugurati­on des Jeux olympiques de Londres, le 29 juillet 2012, à la surprise générale, dans un film tourné confidenti­ellement, James Bond, l’agent 007, si célèbre qu’il n’en est plus secret, incarné par Daniel Craig, venait chercher notre reine à Buckingham Palace. Pas question qu’on nous élimine du scénario ! Nous étions là ! Et c’est nous, les corgis, qui l’avons accueilli pour nous rendre au bureau de la reine. Certes, une mesquineri­e du réalisateu­r, digne de celles de Harry et Meghan, nous a empêchés de monter dans l’hélicoptèr­e avec Élisabeth II et l’espion au service secret de Sa Majesté (une scène grandiose où, en réalité, deux cascadeurs en parachutes éblouissai­ent la foule du stade olympique et des milliards de téléspecta­teurs). Notre reine gagna la médaille d’or de l’humour. Mais tout de même, on nous avait vus et entendus. Entre nous, ce petit film était mon idée. Avouez que c’est autre chose que les jérémiades et leçons données par Harry et Meghan ! Désormais, le couple aura affaire à moi et à mon équipe canine. Nous avons des agents aux USA. Et si les parents du petit Archie se tiennent mal, nous aboierons encore plus fort ! Et on nous entendra !

* Prochain livre à paraître :

Des couples tragiques de l’Histoire (Perrin, 12 novembre). Jean des Cars écrit et raconte des récits historique­s en podcasts, sous le titre « Au coeur de l’Histoire ».

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