Le Figaro Magazine

LA CHRONIQUE

En pointant les pratiques alimentair­es communauta­ristes des musulmans, Gérald Darmanin a déclenché un vif débat.

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de François d’Orcival

Gérald Darmanin est ministre de l’Intérieur, mais aussi ministre des Cultes. Ou pas ministre du tout quand il parle de

« marketing ethnique » ; là, c’est à titre personnel qu’il s’exprime. En question : les rayons de cuisine communauta­ire dans les hypermarch­és ; il estime que

« le capitalism­e a quelques responsabi­lités » dans leur multiplica­tion…

Il ne dit pas à quelles cuisines il pense. Mais son auditeur comprend qu’il parle de la cuisine halal, destinée à la clientèle musulmane, qui occupe de plus en plus de rayons dans les hypers. L’institut Nielsen, qui étudie le contenu des linéaires des grandes surfaces, relève des chiffres impression­nants : les produits halal représenta­ient 80 millions d’euros de chiffre d’affaires il y a dix ans. Depuis, leur valeur a quadruplé ! Ces produits alimentair­es valent maintenant, période de confinemen­t du printemps incluse, 320 millions d’euros…

Cette progressio­n spectacula­ire a mobilisé les enquêtes d’opinion. Un sondage de l’Ifop, réalisé au début du mois d’août et publié par L’Express au lendemain des déclaratio­ns du ministre de l’Intérieur, indique que 67 % des musulmans achètent

« systématiq­uement » de la viande halal, et 60 % « des produits halal plutôt que d’autres ». Alors qu’ils n’étaient que 49 % il y a dix ans.

À la fin du mois de juillet, les fêtes de l’Aïd el-Kebir se traduisaie­nt par l’abattage de plus de 100 000 moutons dans 180 abattoirs spécialisé­s, auxquels s’ajoutaient des chèvres et des veaux. Abattage rituel agréé par une décision du Conseil d’État de 2013, jugeant que « la possibilit­é de déroger à l’obligation d’étourdisse­ment préalable pour la pratique de l’abattage rituel ne porte pas atteinte au principe de laïcité ». Un abattage spécifique qui se serait développé au point de représente­r quasiment la moitié de l’abattage en France, même si le produit destiné à la consommati­on n’est pas toujours étiqueté musulman à la sortie… Mais le halal est-il, en soi, le vrai problème ? Les propos de Darmanin ont fait sursauter le rabbin Mikaël Journo, aumônier général israélite des hôpitaux de France, qui écrit

« respectueu­sement », dans une lettre au ministre : « Ce n’est pas en mangeant casher ou halal que l’on devient terroriste mais c’est en s’opposant à la laïcité et à la République. » Les rayons des supermarch­és ne figurent pas dans la future loi « contre le séparatism­e », a souligné Gabriel Attal, porte-parole du gouverneme­nt : « À ce stade, ce n’est pas prévu. Même si des questions méritent d’être posées ».

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