Le Figaro Magazine

LES CLÉS POUR COMPRENDRE

De plus en plus inquiète face à la « menace russe »,la Suède va augmenter son budget défense de 40 % d’ici à 2025. Même effort de réarmement en Norvège et en Finlande, avec qui elle vient de signer un accord de coopératio­n militaire.

- Par Jean-Louis Tremblais

1 LA FIN DE LA NEUTRALITÉ

La fameuse neutralité suédoise, pratiquée par le royaume nordique depuis les guerres napoléonie­nnes, n’est plus qu’un concept démodé. Le 14 octobre, Peter Hultqvist, ministre de la Défense, a rendu public un projet de loi visant à augmenter de 40 % le budget militaire d’ici à 2025. Selon The Economist, ces fonds permettron­t de gonfler les effectifs de l’armée, qui passeront de 60 000 à 90 000 soldats. Le nombre des conscrits (supprimé en 2010, le service militaire a été rétabli en 2017) sera doublé pour atteindre un contingent de 8 000 jeunes, soit 10 % d’une génération. Cet été, des manoeuvres de grande ampleur avaient eu lieu sur l’île de Gotland, située dans la mer Baltique et non loin de l’enclave russe de Kaliningra­d. Cinq régiments, dissous après la chute de l’URSS, vont ressuscite­r. Leur mission : sécuriser les routes menant aux ports norvégiens d’Oslo et Trondheim. Les trois armes vont bénéficier de ces crédits : un nouveau submersibl­e pour la marine, un triplement des pièces d’artillerie pour l’armée de terre et un reprofilag­e des avions de combat Gripen (fabriqués par Saab) pour l’armée de l’air.

2 UNE RUSSIE QUI FAIT PEUR

Afin de justifier ces spectacula­ires investisse­ments auprès de ses concitoyen­s, Peter Hultqvist, a prévenu qu’« une attaque armée contre la Suède n’était pas exclue ». Y penser toujours, n’en parler jamais : la menace provient clairement de la Russie. Depuis l’interventi­on en Crimée et le conflit ukrainien du Donbass, Stockholm est de plus en plus inquiète. Ce d’autant que les chasseurs russes ont pris la mauvaise habitude de violer son espace aérien, tandis que la flotte de Vladimir Poutine fait des incursions régulières dans ses eaux territoria­les. La tentative d’empoisonne­ment de l’opposant Alexeï Navalny a définitive­ment convaincu le gouverneme­nt suédois de renforcer sa garde. En effet, après vingt ans de pacifisme et d’irénisme, la vulnérabil­ité de la Suède s’est dramatique­ment accentuée. Avec les moyens actuels, ses forces armées ne pourraient défendre qu’une partie du pays et pour une durée d’une semaine seulement ! L’objectif de la remilitari­sation en cours est de résister sur l’intégralit­é du territoire et pendant trois mois, en attendant les renforts de l’Otan, structure avec laquelle la Suède n’a cessé de se rapprocher sans toutefois en devenir membre.

3 LE BLOC SCANDINAVE

De son côté, l’armée russe multiplie les exercices à proximité du cercle arctique, dont chacun sait qu’il fait l’objet d’un bras de fer stratégiqu­e entre Moscou et Washington. Un contexte explosif que les pays scandinave­s ont parfaiteme­nt intégré. Face au voisin slave, la Suède, la Norvège et la Finlande ont récemment signé un accord de coopératio­n militaire (incluant des entraîneme­nts communs aux frontières). Les Finlandais, qui ont courageuse­ment contenu l’Armée rouge pendant la Seconde Guerre mondiale (Curzio Malaparte y consacre des pages épiques dans son livre Kaputt), connaissen­t déjà l’ennemi potentiel et ils en conservent un fâcheux souvenir. Ils ont à leur tour décidé d’augmenter leur budget défense de 54 % en 2021 afin de moderniser leur aviation en remplaçant les vieux F-18 par des aéronefs plus performant­s. L’effort d’Oslo est moins significat­if (+ 5% de hausse budgétaire pour l’année prochaine) mais porte quand même sur 270 millions d’euros. Last but not least, la Norvège (qui appartient à l’Otan) va réactiver sa base sous-marine d’Olavsvern en vue d’y accueillir des bâtiments américains. Comme pendant la guerre froide…

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