TOUT DOIT DISPARAÎTRE
Un journal du soir nous entretenait récemment des vertus écologiques comparées de l’inhumation et de la crémation. On apprenait ainsi que
« l’inhumation équivaut à
3,6 crémations en termes de CO2. […] Entre le cercueil, l’entretien de la tombe et le cimetière, elle génère 833 kg de CO2… ».
La crémation serait donc plus vertueuse que l’inhumation. Mais bien moins que l’« aquamation » (dissolution du cadavre dans l’eau) ou que la « promession » (dissolution du cadavre dans l’azote). Ces dernières ne pouvant rivaliser toutefois avec l’« humusation » (transformation du cadavre en compost). Plus vert, tu meurs !, semble être l’idée directrice de ce concours Lépine du cadavre citoyen. Mais toutes ces décompositions vertueuses ont un point commun qu’il faut souligner, car il pourrait bien être leur but inavoué : l’effacement des traces. Si l’inhumation, ses tombeaux, cimetières et rites doivent disparaître, c’est qu’ils conservent les traces de ceux qui ont été et nous rappellent ainsi ce que nous serons. Cette présence des morts au milieu des vivants et des vivants au milieu des morts exposerait donc « Sapiens » à un réveil brutal : le rappel de sa condition. Afin de protéger le bipède hébété d’un tel traumatisme, il convient d’éradiquer sans tarder toute trace réelle ou symbolique de sa disparition prochaine. Donc, de faire disparaître la disparition elle-même.