LE ROI RICHARD ET LA REINE ELIZABETH
★★★★ JOURNAL INTIME, de Richard Burton, Séguier, 585 p., 24,90 €. Traduit de l’anglais par Alexis Vincent et Mirabelle Ordinaire.
C’est le journal monumental d’un acteur monumental. Près de 600 pages rédigées entre 1965 et 1971 par un monstre du cinéma atypique, passionné de littérature et d’art, d’une intelligence suprême. Le Gallois est amusant, poignant, lucide, toujours surprenant. Natalie Wood a « des yeux de pékinois ». Quant à lui, il ne s’épargne pas : « J’ai vu le film Becket hier soir. Je joue de manière horrible et prévisible » ; « Mes yeux sont des fentes que seul un serrurier pourrait ouvrir » ; « J’ai entendu Elizabeth dire que j’étais ennuyeux. Et elle a bien raison. »
Car elle est là, partout, le grand amour de sa vie, Elizabeth Taylor, qui aima passionnément son homme. Il faut lire les pages où il la regarde dormir, émerveillé. Cette passion fusionnelle et réciproque est d’une beauté que Burton restitue à merveille. Le gotha du cinéma de l’époque défile, les tournages sont évoqués, mais Burton, tellement magnétique à l’écran, ne se contente pas d’évoquer sa vie professionnelle. Il réfléchit en permanence : « Plus je lis sur l’homme et sa brutalité démente et son âme meurtrière, envieuse et scatologique, plus je me rends compte qu’il ne changera jamais. Notre stupidité est immortelle. » Plus loin, il conclut : « J’aimerais croire en un Dieu quelconque, mais je n’y arrive simplement pas. Mon intelligence est trop musculaire et mon imagination s’arrête à l’horizon, et j’ai dans l’idée que le dernier son qui retentira sur cette jolie planète sera le hurlement d’un homme. » Aucun acteur, à l’exception de George Sanders (Mémoires d’une fripouille) n’a écrit un livre aussi passionnant.