L’ÉDITORIAL
de Guillaume Roquette
C’est l’angle mort du futur projet de loi sur le séparatisme et l’islamisme radical : il n’y est nulle part fait mention de l’immigration. Et ce choix est délibéré. Le ministre de l’Intérieur s’en est d’ailleurs longuement expliqué le mois dernier dans nos colonnes, expliquant à juste raison qu’il n’était pas dans « l’essence » des étrangers, musulmans ou non, de commettre des actes illégaux sur notre sol et rappelant l’héroïsme des tirailleurs nord-africains (dont son grand-père) au service de la France durant les conflits du XXe siècle.
Les affreux attentats commis ces dernières semaines n’ont pas fait changer d’avis Gérald Darmanin. L’agression devant les anciens locaux de Charlie Hebdo a été commise par un Pakistanais, l’assassinat de Samuel Paty par un Tchétchène et la tuerie de Notre-Dame-de-l’Assomption à Nice par un Tunisien mais, rappelle le ministre, 22 des 30 derniers terroristes à avoir commis des exactions dans notre pays étaient français.
Et alors ? Si un meilleur contrôle des entrées dans notre pays avait permis d’éviter ne serait-ce qu’un attentat sur quatre, cela n’aurait-il pas suffi à le justifier ? Le Pakistanais en question a usurpé le statut de mineur isolé (avec la bénédiction de la justice), le Tchétchène a obtenu le statut de réfugié malgré l’opposition de l’administration (encore grâce à la justice) et le Tunisien est entré en France illégalement : comment peut-on affirmer que nos règles d’immigration ne posent pas de problème ?
De plus, les terroristes de nationalité française qui ont perpétré des attentats islamistes depuis dix ans (Mohamed Merah, les frères Kouachi, Amedy Coulibaly…) sont eux-mêmes le plus souvent issus de l’immigration musulmane. Il serait odieux de rejeter la responsabilité de ces crimes sur l’ensemble de celle-ci mais il serait également malhonnête de nier tout lien entre un demi-siècle d’arrivées massives de populations extra-européennes en France et le développement de la violence islamiste. Au-delà des risques d’attentats, qu’est-ce qui nourrit le séparatisme contre lequel veut à juste titre lutter Emmanuel Macron ? C’est la difficulté pour un certain nombre de musulmans de séparer leur religion de toutes les règles de vie qui y sont attachées, depuis le voile jusqu’à la condamnation de l’apostasie, en passant par le statut inférieur de la femme et l’interdiction du blasphème. Or cette distinction semble être de plus en plus problématique d’une génération à l’autre. Une enquête récente indique ainsi que si une minorité de la population musulmane (40 %) fait passer ses convictions religieuses avant les lois de la République, la proportion monte à 74 % chez les moins de 25 ans. Nous ne pouvons pas faire abstraction de cette réalité : l’intégration n’est absolument pas acquise (et ne parlons pas de l’assimilation qui est quasiment devenue un gros mot). Le défi est immense pour la société française, et le danger de partition ne l’est pas moins. N’est-ce pas une raison suffisante pour décréter, au moins temporairement, une réduction drastique de l’immigration ?