LA CHRONIQUE
L’ancien leader du Parti travailliste anglais a été suspendu par sa propre formation, le Labour, pour… antisémitisme.
Il a été suspendu le 29 octobre, c’est-à-dire condamné, par le Parti travailliste où il aura passé toute sa vie ; il en avait déjà perdu la présidence le 4 avril dernier, quatre mois après que les électeurs eux-mêmes l’eurent chassé, lors du scrutin des législatives du 12 décembre 2019 ; il était alors à la tête du parti depuis quatre ans… Jeremy Corbyn est ainsi entré dans l’Histoire comme celui qui aura ramené les travaillistes à la triste situation qui fut la leur au lendemain des élections du 14 novembre 1935 quand ils furent battus sans appel par les conservateurs pour dix ans. Il a 71 ans, sa carrière politique est finie.
Ce n’est pourtant pas à son impéritie qu’il doit sa suspension, mais à un rapport de 130 pages publié le même jour par la Commission pour l’égalité et les droits de l’homme qui enquêtait sur son parti depuis le mois de mai 2019. Cette commission avait été créée quelque douze années plus tôt par son flamboyant prédécesseur à la tête du Parti travailliste, Tony Blair, peu avant qu’il ne renonce au pouvoir…
Celle-ci n’avait jamais enquêté sur le parti, elle n’avait condamné qu’une seule formation politique, le British National Party, expression de la droite la plus radicale. Et pour quel motif a-t-elle donc dénoncé le Labour de Corbyn ? Pour antisémitisme. Une honte, dira le chef actuel du parti, Keir Starmer, un avocat élu député pour la première fois en 2015.
Oui, pour antisémitisme. La commission s’est mise au travail à la fin de mai 2019, saisie par des plaintes déposées par des associations liées aux travaillistes, dont le Jewish Labor Movement, excédées par les agressions qu’elles avaient relevées depuis l’arrivée de Jeremy Corbyn à ses fonctions à la tête du parti : des mises en cause par différents militants, élus travaillistes – et même par lui ! – du « lobby israélien », du « pouvoir juif », des
« complots sémites », de l’Holocauste, etc. Jusqu’à citer Hitler lui-même !
Et qu’a fait Corbyn pour nettoyer cela dans son parti ? Rien. La Commission pour l’égalité et les droits de l’homme a enquêté sur toutes sortes de discriminations et illégalités avant de retenir quelque 70 accusations portées contre des travaillistes durant trois ans. On imagine le désespoir des personnalités juives du parti à la lecture du rapport de la commission, lequel confirmait tout ce qu’elles avaient pu deviner. Tombés à 201 sièges aux Communes contre 364 aux conservateurs (au pouvoir jusqu’en 2024), les travaillistes auront payé cher leurs errements. Un exemple que les Européens devraient utilement méditer.