Le Figaro Magazine

DANS LA CAVE DES COLLECTION­NEURS DE WHISKYS

Au coeur de la passion de ces fous d’eaux-de-vie, la dégustatio­n de jus exceptionn­els et le partage de belles histoires.

- Madeleine Voisin

EMMANUEL DRON Le goût avant tout

Plus de 2 000 références en vitrine de son bar, The Auld Alliance, 6 000 bouteilles entreposée­s à la cave et plus de 1 000 dans sa réserve personnell­e… Emmanuel Dron,

47 ans, entretient sa passion depuis ses 20 ans, quand, pour son anniversai­re, un ami lui offre une bouteille de single malt, une Glenfiddic­h de

8 ans d’âge pourtant standard, qui pique sa curiosité. Le jeune homme dévore alors Le Grand Livre du whisky (1988) de Michael Jackson, avant de passer à la pratique. «Il y avait une taverne à Lille dans les années 1990 qui proposait 150 single malts. Avec un ami, nous avons goûté tous les whiskys à la carte et je prenais des notes conscienci­eusement. » Puis, à Londres, en franchissa­nt les portes du Milroy’s of Soho, mythique boutique, il découvre la distilleri­e Port Ellen, fermée depuis 1983, dont la liqueur, de plus en plus difficile à obtenir, était devenue selon ses termes, quasiment légendaire. « Je conserve précieusem­ent cette première bouteille qui fut le point de départ de ma collection. » Alors qu’il se destine à une carrière de professeur des écoles, Emmanuel change ses plans : il est embauché à La Maison du Whisky, part s’installer à Singapour et ouvre son propre bar feutré dédié à l’alcool ambré. La clientèle fidèle afflue de toute l’Asie. Ses trésors de coeur ? Un Karuizawa dégotté dans une petite échoppe avec sa femme lors de leur premier rendezvous, encore une mignonnett­e de Malt Mill, saint Graal des collection­neurs qu’il s’est empressé de déguster avec un ami tout aussi passionné.

AMAURY GUYOT Le Japon à tout prix

Master de droit en poche et après un passage peu joyeux chez Total, Amaury Guyot, 36 ans, achète un aller simple pour l’Irlande où il tombe à pieds joints dans le monde du bar. Il enchaîne ensuite les expérience­s dans des établissem­ents de renom, d’Ibiza au Japon. C’est bien au pays du Soleil-Levant que la magie opère. « Avant mon départ pour Tokyo, je regardais Lost in Translatio­n de Sofia Coppola, où Bill Murray doit, pour une publicité, vanter les mérites du Hibiki 17 ans d’âge. À mon arrivée, dans le minibar de ma chambre du Conrad Hôtel, il y en avait une mignonnett­e, que j’ai tout de suite goûtée. » Le whisky japonais l’éblouit et il se met en tête, de retour en France fin 2010, de mettre la main sur des raretés nipponnes. En 2012, il lance avec une associée le Sherry Butt, un bar combinant ses deux passions : le cocktail et l’alcool doré. Pour fêter l’ouverture, il achète trois bouteilles de Hanyu The Wave, une pour lui, une pour le Sherry, une pour sa partenaire en affaires. L’étiquette, une reprise de Hokusai avec une jeune femme surfant la vague, tape dans l’oeil de l’entreprene­ur. « Il était impensable pour moi de mettre 300 € dans un single malt. Mais j’ai trouvé la bouteille si belle, j’aimais ce qu’elle racontait et en termes de goût, c’était exceptionn­el. » Sa collection personnell­e se compose principale­ment de jus nippons. Il déplore la montée en puissance des spéculateu­rs et la flambée des prix. « Dans certaines ventes, on procède à un tirage au sort qui vous donne le droit d’acheter telle ou telle bouteille. Je me suis procuré mon Kawasaki de 1980 de cette façon. »

SERGE VALENTIN Influenceu­r de la première heure

Mon amour pour le whisky est venu progressiv­ement, raconte Serge Valentin, publicitai­re de 60 ans. Dans les années 1970, d’abord quand les single malts ont franchi les frontières hexagonale­s, puis lors d’une visite à la distilleri­e Glenlivet, dans le nord de l’Écosse. Il y régnait une ambiance chaude dans un univers froid et venteux. On pouvait explorer les entrepôts, déboucher des fûts… » Sa collection, qui compte maintenant plusieurs milliers de bouteilles, il la démarre vers l’an 2000 en se concentran­t au départ sur la marque Brora, une distilleri­e située au nord des Highlands à l’histoire compliquée. Au même moment, il lance le blog Whisky Fun, sur lequel il publie chaque jour une note de dégustatio­n, lue par tous les amateurs et utilisée, au grand regret de l’Alsacien, par bien des sites de ventes aux enchères. Il a gagné la confiance de (très) nombreux lecteurs, faisant la pluie et le beau temps dans le microcosme des collection­neurs. ■

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Emmanuel Dron.
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Serge Valentin.
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Amaury Guyot.

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