LES INDISCRÉTIONS de Carl Meeus

Jérôme Fourquet

L’émergence en France d’ici à la présidentielle de 2022 d’un candidat comme Donald Trump est-elle possible ? Jérôme Fourquet, directeur du département Opinion de l’institut de sondages Ifop, ne voit pas comment un candidat pourrait réussir, dans un pays archipellisé comme la France, à fusionner l’électorat de droite et celui d’extrême droite. « L’effet du système électoral américain est déterminant. L’élection à un tour force à la coagulation. Avec le scrutin à deux tours en France et une archipellisation de la vie politique, c’est beaucoup plus compliqué. »

Donald Trump est arrivé à agréger des électorats très différents (les ouvriers du Nord-Est, les protestants évangéliques, la classe moyenne supérieure), mais qui sont d’accord globalement sur des sujets comme l’opposition à l’Obamacare, à l’IVG ou aux thèses sur le changement climatique. En schématisant, Jérôme Fourquet explique que « Trump, ce serait en France l’alliance de la Manif pour tous et des “gilets jaunes” » ! Mais si les passerelles entre les archipels sont possibles outre-Atlantique, elles sont compliquées dans l’Hexagone. Pour le moment, aucun leader n’a véritablement endossé le costume d’un Trump français. Toutes proportions gardées, le seul qui a réussi à fédérer les électorats de droite et d’extrême droite a été Nicolas Sarkozy lors de sa campagne victorieuse de 2007, quand il a réduit le score de Jean-Marie Le Pen à 10,4 %. Il appelait à la « rupture », mais de l’intérieur. « Il a réussi l’alliance de Neuilly-sur-Seine et des usines », se souvient Jérôme Fourquet.

Marine Le Pen peut-elle le faire ? Elle qui n’a récupéré qu’un tiers de l’électorat de François Fillon en 2017. Depuis trois ans, elle n’a pas réussi à faire venir à elle des responsables importants des Républicains, et a attiré très peu d’électeurs. Chez les LR, personne ne semble s’installer sur le même créneau qu’un Trump dénonçant le système, tout en s’intégrant à lui. Reste l’hypothèse d’un troisième homme. Certains fondent des espoirs sur le général Pierre de Villiers. Mais il tarde à donner des signes. Or, comme le rappelle Jérôme Fourquet, « il ne reste plus beaucoup de temps pour émerger dans un contexte où l’épidémie de Covid gèle la vie politique ».