À L’AFFICHE Culturellement vôtre, par J.-Ch. Buisson et les passe-temps d’Éric Neuhoff
Michel Marmin a réuni dans un livre échevelé ses chroniques de cinéma les plus pénétrantes.
Auriez-vous envie de voir un film intitulé Chaussette surprise, qui se déroule en pleine France giscardienne et qui n’est même pas mentionné dans l’indépassable Guide des films de Jean Tulard ? Invité à revoir un film de John Huston, vous viendrait-il à l’esprit de regarder La Lettre du Kremlin (1970), plutôt que
Le Faucon maltais ou L’Homme qui voulut être roi
avec le regretté Sean Connery ? Saviez-vous que Roger Nimier, non content d’en écrire avec Roland Laudenbach le scénario et les dialogues d’après le roman de Flaubert, fait une apparition au volant d’une voiture de sport anglaise (bien entendu au côté d’une belle femme blonde) dans L’Éducation sentimentale d’Alexandre Astruc ? Pouviez-vous imaginer que Robert Brasillach ait pu faire (en 1937) l’apologie du cinéma soviétique, considérant qu’avec Trois chants sur Lénine, de Dziga Vertov (le rival d’Eisenstein), « c’est la première fois que le cinéma atteint à la noblesse du chant funèbre » ? Auriez-vous pu envisager le film de Gillo Pontecorvo La Bataille d’Alger (1966), tout à la gloire du FLN et très sévère pour l’armée française, comme une oeuvre « portant toutes les valeurs humaines dont se prévaut la droite identitaire française » ?
Si vous répondez non à ces questions, jetez un oeil sur le recueil de critiques de cinéma de Michel Marmin, joliment titré Cinéphilie vagabonde
(Éditions Pierre-Guillaume de Roux).
Esprit curieux, libre et érudit qui collabora au Figaro, à Valeurs actuelles et à Éléments, Marmin a des jugements parfois paradoxaux, réducteurs et parfois trop systématiquement marqués par sa grille de lecture qui oppose cinéma d’invention et cinéma de consommation, mais quelle culture et quelle plume ! Et quelle force de conviction ! Il fait découvrir des oeuvres méconnues, redonne du lustre à des films trop hâtivement vus ou jugés mineurs, envoie une lumière inédite sur certains acteurs (Ronet) ou réalisateurs (Chaplin). Rien que pour ce qu’il écrit sur La Section Anderson,
de Pierre Schoendoerffer, il faut le lire.