Le Figaro Magazine

LA PAGE HISTOIRE de Jean Sévillia

Au début de l’Occupation, des hommes venus de la droite nationalis­te s’engageaien­t dans la Résistance, tandis que le PCF temporisai­t.

- DE JEAN SÉVILLIA

Le 24 octobre, le tag « collabo !! » était peint en rouge sur le siège du PCF, place du ColonelFab­ien, à Paris, sans qu’on sache si cette invective visait l’« islamo-gauchisme » présent en ce lieu ou le passé caché du parti communiste : son approbatio­n du pacte Hitler-Staline en 1939 ; son interdicti­on consécutiv­e, et celle de L’Humanité, par le gouverneme­nt de la IIIe République ; la désertion de son régiment par Maurice Thorez, le secrétaire général du PCF, au début de la « drôle de guerre » ; les négociatio­ns avec les Allemands, après la défaite de l’été 1940, en vue de la reparution de L’Humanité… Le parti interdit s’était alors vidé de sa substance, la majorité des militants ne comprenant pas la stratégie de leurs dirigeants qui, obéissant à Moscou, ne prônèrent la Résistance qu’après que l’Allemagne nazie eut envahi l’URSS. La vérité de l’histoire, par conséquent, est que les communiste­s se sont engagés contre l’occupant nazi à partir de 1941, pas avant, et certes au prix de lourds sacrifices – mais avec leurs buts et leurs méthodes propres, cela étant une autre affaire. Cette réalité n’autorise pas à affirmer par principe, comme le prétendait l’autre jour le porte-parole du PCF, que « le Parti communiste, c’est la Résistance », car cette idée reçue est fausse, tout comme est fausse celle selon laquelle la Résistance n’aurait jamais compté d’hommes de l’autre extrémité de l’échiquier politique. François-Marin Fleutot avait publié, il y a vingt ans, une synthèse pionnière sur « les royalistes dans la Résistance ». Il réitère aujourd’hui avec un livre qui tourne autour de l’action et du personnage de Jacques Renouvin. Cet avocat de formation maurrassie­nne avait rompu en 1934 avec l’Action française tout en restant monarchist­e. Mobilisé et blessé en 1940, prisonnier puis libéré, il animera en zone sud plusieurs réseaux de Résistance réunissant des royalistes et des démocrates­chrétiens, des croyants et des athées, avant d’être arrêté par la Gestapo et déporté, en 1943, puis de mourir à Mauthausen en 1944. L’ouvrage aurait gagné à une relecture supplément­aire de l’éditeur avant d’être imprimé (comment avoir laissé passer un « Adolph Hitler » ?), mais bien documenté, nourri d’anecdotes et de portraits, il donne à voir une version de l’Histoire qui bouscule les clichés sur les années noires.

À l’aube de la Résistance. Automne 1940, ils ont dit « non » les premiers, de François-Marin Fleutot, Les Éditions du Cerf, 300 p., 24 €.

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