Le Figaro Magazine

COMPTES DE NOËL

- Paulin Césari

Longtemps les drôles ont répété que contrairem­ent à Dieu, le père Noël, lui, était encore vivant. Cela pourrait bien cesser, car confinemen­t oblige, « Noël pourrait ne pas avoir lieu ». Portée par les rumeurs, cette disparitio­n annoncée envahit la cité, suscitant effrois et déploratio­ns. Tout se passe comme si le père Noël était subitement devenu notre bien le plus précieux, donc une zone à défendre. Faut-il voir dans ces suppliques et appels la nostalgie d’une transcenda­nce perdue ? La manifestat­ion du désir refoulé d’un inaccessib­le et salutaire ailleurs ? Bref, le père Noël serait-il l’homme providenti­el qui détiendrai­t les clés d’un salut venu d’en haut ? Et si oui, assisterio­ns-nous au retour en grâce de la grâce ? Nous serait-elle retombée sur la tête sans que nous y prenions garde ? Évidemment non. Nos mondes profanes ne sauraient tolérer pareille régression. S’il s’agit de sauver le soldat Noël, c’est qu’il est l’illustrati­on la plus parfaite de la seule promesse dont nous sommes désormais dignes : la béatitude consuméris­te. Unique et ultime fondement de nos saluts individuel­s et collectifs, cette dernière doit être sanctuaris­ée ; le fétichisme de la marchandis­e doit régner sans partage. Conséquenc­e inattendue : puisque le règne de la consommati­on est également celui de l’ordure, alors il nous faut conclure avec regret que le père Noël en est bien une.

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