LES CLÉS POUR COMPRENDRE
Lors d’un plénum du Comité central, fin octobre, le Parti communiste chinois a dévoilé le programme Vision 2035. Un « plan de combat » visant à doter la République populaire de la supériorité militaire qui lui fait encore défaut pour devenir l’hyperpuissance du XXIe siècle.
1 UN PLAN LONG TERME
Contrairement aux dirigeants occidentaux, tétanisés par les sondages d’opinion et les échéances électorales, le président Xi Jinping peut miser sur le temps long. Il a les coudées franches puisque la Constitution ne fixe aucune limite à son mandat. Heureux homme ! Autoproclamé et autocélébré vainqueur de la « guerre patriotique contre le virus », l’Empereur rouge souhaite maintenant passer à la vitesse supérieure. Si Mao Zedong fut l’artisan de la souveraineté retrouvée, Deng Xiaoping celui de la prospérité économique, Xi Jinping veut être celui de l’hyperpuissance militaire et politique. Il voit loin puisque l’objectif de ce qu’il appelle le « rêve chinois » est d’atteindre l’hégémonie mondiale pour 2049, 100e anniversaire de la création de la République populaire. Le plan (trois fois quinquennal !) Vision 2035, récemment adopté par les délégués du Comité central, s’inscrit dans cette logique. Dans le communiqué final du Parti, le mot « sécurité » est mentionné plus de… vingt fois. Sur fond de guerre commerciale et de sinophobie post-Covid, Xi Jinping va mettre les bouchées doubles pour combler son retard militaire vis-à-vis des États-Unis, seule nation pouvant faire obstacle à ses ambitions planétaires.
2 PRIORITÉ À LA DÉFENSE
Malgré une augmentation constante depuis vingt ans (+ 200 % entre 1998 et 2008 !), le budget chinois de la Défense reste trois fois moindre que celui des États-Unis : 261 milliards de dollars contre 732 milliards en 2019. Ce qui en fait tout de même la deuxième puissance militaire du monde, devant l’Inde (70 milliards), la Russie (65 milliards) et la France (50 milliards). Et, malgré la chute du PIB consécutive à la crise sanitaire, les crédits militaires ont encore été dopés de 6,6 % en 2020. Forte de 2 millions d’hommes, l’Armée populaire de libération (APL) se modernise à grande vitesse. Elle est maintenant dotée du missile balistique DF-41 – d’une portée capable de frapper le sol américain –, d’un deuxième porteavions, du nouveau destroyer Type 055 et d’une base permanente à Djibouti. Non seulement cette dernière est idéalement située sur les « nouvelles routes de la soie » chères à Xi Jinping, mais elle constitue aussi une tête de pont vers le continent africain, son immense marché et ses minerais stratégiques (comme le cobalt du Congo). Par ailleurs, afin de faire contrepoids à l’Otan, la Chine anime depuis 2001 l’Organisation de coopération de Shanghaï, qui regroupe 60 % des pays eurasiatiques (dont la Russie).
3 UN IMPÉRIALISME DÉCOMPLEXÉ
Cette « armée puissante » et de « classe mondiale » que Xi Jinping appelle de ses voeux n’inquiète pas que Washington. Les premiers menacés sont évidemment les Taïwanais. De facto indépendante depuis 1949, l’île anticommuniste est toutefois considérée comme une « partie inaliénable » de l’empire du Milieu par le président chinois, qui évoquait en janvier 2019 une indispensable « réunification » : « C’est une nécessité pour la grande résurgence de la Chine dans la nouvelle ère. » Afin d’y parvenir, l’option armée n’est pas envisagée pour l’instant, mais pour combien de temps ? Considérant la mer de Chine méridionale comme son lac privé, le numéro 1 chinois lorgne également sur plusieurs îlots, qu’il conteste à ses voisins (Philippines, Malaisie, Brunei et Vietnam) et où il n’hésite pas à envoyer sa flotte en cas de tensions. Mêmes différends territoriaux avec le Japon, au sujet de l’archipel de Senkaku en mer de Chine orientale. Dernier point de friction : le litige frontalier avec l’Inde pour le contrôle des hauteurs de l’Himalaya. L’affaire a déjà provoqué une guerre entre les deux géants en 1962. Le conflit avait fait plusieurs milliers de morts. Or, l’Histoire a souvent tendance à se répéter…