SAX CLASSIQUE
Moins maigre et jeune qu’on ne le prétend – puisque courant de Berlioz, Milhaud et Ibert à Berio, Scelsi ou Takemitsu –, le répertoire classique pour saxophone est encore mal connu. Peut-être pour ne s’être jamais totalement détaché des ambitions d’Adolphe Sax d’en faire un concurrent aux cordes (violoncelle principalement) et bois (hautbois, clarinette et basson). Au point de les défier souvent sur leurs propres terrains. C’est fort de ce paradoxe que deux jeunes saxophonistes proposent leurs très pertinentes contributions. Matthieu Delage étonne en faisant de son baryton un soliste aussi agile que gracile sur des transcriptions de SaintSaëns, Schumann ou Rachmaninov, et accompagné par le piano subtil de Magali Albertini et Frank Woeste. Au point qu’on se pince de voir emportée cette voix d’ordinaire grave jusqu’au rauque vers des sommets de finesse et des pianissimos enchanteurs.
C’est à l’alto et entouré d’un très beau quatuor à cordes que Nicolas Arsenijevic, lui, vise une esthétique chambriste et emmène le Quintette pour clarinette et cordes en si mineur, opus 115 de Brahms vers une magnifique expressivité.
Le Quintette pour saxophone et quatuor à cordes en mi bémol majeur, opus 34 d’Adolf Busch est un autre sommet de délicatesse élégiaque et doucement inquiète. Les deux saxophonistes n’oublient pas de donner leur chance aux créations – Matthieu Stefanelli, Patrick Zimmerli, Ricardo Nillni et Jean-Baptiste Doulcet – toutes très pertinentes et consacrant l’instrument comme une voix vivante et contemporaine. Bravo au label Chapeau l’Artiste pour ces deux parfaites et clairvoyantes réussites !
Inner Voice, de Matthieu Delage, et Inveniendi, de Nicolas Arsenijevic (Chapeau l’Artiste).