MÉPRIS D’EXCELLENCE
Il y a foule. L’assemblée générale des César compte 164 membres. Le chiffre donne le tournis. Les responsables de la manifestation insistent sur le caractère démocratique et paritaire de la chose. Un doux parfum de Politburo monte aux narines.
Il ne manque plus que l’adjectif populaire pour rappeler les républiques de l’Est. Un producteur se félicite de la nouvelle dans un tweet avec une belle faute d’orthographe. On sent les tâcherons ravis d’avoir exclu le réalisateur de Chinatown. Ces genslà ne déçoivent jamais. Il faudrait les applaudir chaque soir sur son balcon. Sans eux, la vie serait moins drôle. On imagine ce que cela donnerait si le milieu littéraire adoptait les mêmes méthodes.
Il y aurait une saine pagaille. Tous les auteurs, qui, on le sait, s’adorent entre eux, voteraient pour savoir quel est le meilleur roman de l’année (chacun choisirait le sien). Il importerait de distinguer aussi l’écrivain qui domine la production. Ne pas oublier de dire quelle est l’héroïne la plus marquante de la saison. Le personnage masculin, lui, aura intérêt à filer droit. Le scrutin désignera dans la foulée le caractère d’imprimerie le plus élégant, la couverture qui sort du lot. La liste n’en finirait pas. La cérémonie durerait jusqu’à minuit passé. Quelle chaîne accepterait de la diffuser ? Même Arte, même la 5 se défileraient sur la pointe des pieds. Pourtant, François Busnel était d’accord pour animer l’événement. Christine Angot quitterait la salle parce qu’on aurait donné une récompense à un de ses concurrents. Qu’est-ce que ça serait bien !