L’ÉDITORIAL
Al’heure où nous bouclions ce magazine, le troisième confinement n’était pas encore annoncé. Mais sa survenue ne faisait hélas guère de doute. Sans une mesure drastique, préviennent les experts, le variant anglais du virus saturera bientôt les services de réanimation. D’un point de vue sanitaire, ils ont probablement raison. Mais combien de temps la société française va-t-elle supporter ce stop and go ? Voilà presque un an que le cauchemar a commencé et personne ne peut dire quand il va prendre fin. Le Pr Delfraissy, Cassandre en chef du conseil scientifique, nous a déjà prévenus que les nouveaux variants représentaient « l’équivalent d’une deuxième pandémie ». Et la perspective d’une vaccination généralisée de la population recule à mesure que le nombre de vaccins disponibles diminue. Bref, si on reconfine, cela peut durer longtemps, d’autant que nul ne sait si cloîtrer préventivement les gens chez eux suffira pour faire disparaître ces fameux variants.
Pendant ce temps, la France s’abîme. Malgré sa mise sous perfusion étatique, l’économie montre des signes de faiblesse : selon une enquête de la Confédération des petites et moyennes entreprises, une PME sur deux redoute de ne pas pouvoir supporter un troisième confinement. À l’exception des fabricants de seringues (pour autant qu’on en produise encore en France) et des livreurs d’Amazon, tout le pays a le moral dans les chaussettes. Et ne parlons pas de la facture finale du « quoi qu’il en coûte » : notre niveau d’endettement s’annonce si faramineux qu’il vaut mieux penser à autre chose. Même la vie démocratique est en berne puisqu’on parle de reporter les élections régionales à l’année prochaine.
Il n’est pas question de faire ici le procès du gouvernement. La décision, courageuse, de maintenir les écoles ouvertes durant le deuxième confinement prouve que celui-ci fait son possible pour amortir le choc. Et quand il se rate, comme au début de la campagne de vaccination, il corrige assez vite le tir. La question est plutôt de savoir s’il a suffisamment réfléchi aux stratégies alternatives au confinement. Souvenez-vous : en novembre dernier, Emmanuel Macron évoquait l’isolement des personnes contaminées, « y compris de manière plus contraignante » que par une simple incitation, mais depuis, plus rien. Comme si l’idée de ne pas traiter tous les Français de la même façon était à exclure. Comme si nous étions tous égaux face à la pandémie.
Or ce n’est pas le cas. D’ailleurs, un nombre non négligeable de Français en est suffisamment persuadé pour ne pas respecter strictement les mesures de couvre-feu actuellement en vigueur. Si la pandémie est là pour longtemps encore, il faut imaginer des restrictions sanitaires différenciées selon le niveau de risque auquel on est exposé avec, par exemple, un recours systématique au télétravail pour certaines populations ou la mise en place de frontières intérieures et extérieures. Une chose est certaine : la vie confinée n’est pas une vie.