NUCLÉAIRE : DANS LES ENTRAILLES DE FLAMANVILLE
ÉCOLOS ET PRONUCLÉAIRES Une majorité de Français ne sait toujours pas que le nucléaire est une énergie propre. Une nouvelle vague d’égéries féminines pronucléaires se lance dans la bataille médiatique pour défendre l’atome mal aimé et mal connu.
Emmanuel Macron ne cesse de repousser la décision de construire six nouveaux EPR. EDF fait tout pour le convaincre qu’il faut choisir maintenant. Mais le président n’ose pas assumer la seule décision qui garantira l’indépendance énergétique de la France. Dans la centrale de Flamanville, on continue de se projeter dans l’avenir…
Ceux qui doutent, ceux qui ont peur, sont-ils seulement entrés dans le réacteur de Flamanville ? Les Emmanuel Macron et Bruno Le Maire ? Non. Cela fait bien longtemps – depuis Nicolas Sarkozy en 2009 – que les grands décideurs politiques évitent cette pointe de la côte normande. Ce monument de béton armé et d’acier trempé mérite pourtant le détour. Vu de l’intérieur, c’est un chef-d’oeuvre d’ingénierie, une citadelle multicolore où la matière transformée à main d’homme vibre d’un éclat particulier : celui du génie humain qui sait produire une énergie cosmique à partir d’une minuscule quantité de matière.
Ce jour pluvieux de décembre, l’immense holothurie est posée là, encore inerte malgré tous ceux qui s’affairent autour. Dans deux ans, si tout va bien, elle se mettra en route pour au moins soixante années de vie atomique. En attendant, le simple visiteur a l’impression d’entrer dans un sous-marin immergé en grande profondeur, ou de longer le bastingage d’une fusée sur le départ. L’uranium y est déjà en partie stocké. La machinerie est prête à pulser la vapeur d’eau dans l’immense turbine à 1 500 tours minutes. Les tests à chaud – en grandeur nature – ont été faits et refaits, et ils se poursuivront dans les vingt-quatre mois qui viennent. Tout tourne, tout marche et tout est supervisé depuis la salle de commande informatisée, bien différente des premiers modèles où l’on voyait de gros boutons rouges et des leviers chromés.
60 MILLIONS D’HEURES DE TRAVAIL
Autour de la coupole aplatie de Flamanville 3, se dressent turbines, moteurs de secours, entrepôts géants, bassins de refroidissement. Ils se tiennent entre la mer grise et une falaise haute de 80 m, grise elle aussi. Des bus d’ouvriers sillonnent cette base hautement sécurisée où trimardent, vissent, soudent, fondent, jusqu’à 3 000 ouvriers aux heures de pointe. En haut de la falaise, près du chemin
de ronde, on côtoie les baraquements des ouvriers, avant de découvrir ce complexe nucléaire qui ferait le bonheur photographique d’un Andreas Gursky. « Il faut compter “plus de 60 millions d’heures accumulées” ici », nous apprend David Le Hir, directeur de l’achèvement et des essais. Il est rarissime que la presse puisse se glisser dans les couloirs de cette citadelle assiégée et vilipendée. EDF craint, entre autres, les infiltrations agit-prop des extrémistes écolos. Mais l’heure tourne, et il faut aussi se dévoiler.
DEUX FOIS PLUS SÉCURISÉ
David Le Hir nous promène donc sur ce site qui fut pendant un siècle une ancienne mine de fer à ciel ouvert, enclave industrielle dans une région de camembert. Flamanville 1 et 2 sont déjà là depuis quarante ans, et la première dalle de l’EPR (réacteur à eau pressurisée) a été posée en 2007. Tout devait être terminé en 2012. Tout sera finalement achevé fin 2022. Dix ans de retards, et 12 milliards d’euros de travaux, au lieu des trois prévus. Un chantier conduit dans la douleur, qui rappellera à certains celui du tunnel sous la Manche. Le dernier sujet qui fâche est la réparation des conduits en acier sur lesquels les tests effectués en 2018 ont détecté de minuscules imperfections : dans quelques jours, les robots-soudeurs entameront le travail de plus d’un an de reprise des soudures. « Nous avons validé 97 % des 10 000 critères, on peut affirmer aujourd’hui qu’il n’y a plus de difficulté sur le chantier : nous tiendrons l’agenda », nous jure Xavier Ursat, qui préside à tous les nouveaux projets d’EDF en matière de nucléaire. Ce jour-là, au pied de la falaise, des ouvriers manoeuvrent au ralenti des plaques de 4 m de long et 4 cm d’épaisseur. C’est un aggloméré de 241 éléments d’uranium, peu à peu stockés dans « la piscine » sous la cuve du réacteur. Il faut plus d’un an pour les acheminer et les entreposer dans leurs alvéoles. Pour pénétrer dans l’enceinte du réacteur, on doit passer par un sas d’une épaisseur de 2 fois 8 m. Passé l’émerveillement de ce spectacle, on descend dans le sous-sol hermétiquement scellé où se trouve l’une des deux principales innovations de cet EPR, avec la coque de protection contre les attaques aériennes : le récupérateur de corium. Ce magma d’éléments fondus qui s’échappe du réacteur en cas d’accident n’a pas pu être récupéré à Fukushima. « EPR n’est pas différent d’une centrale classique à eau pressurisée, mais il est deux fois plus sécurisé parce qu’il tient compte des leçons que nous avons tirées des trois catastrophes de Three Mile Island aux États-Unis en 1979, Tchernobyl en Ukraine en 1986, et Fukushima en 2011 », rappelle Xavier Ursat.
MACRON AIME-T-IL L’ATOME ?
C’est dans l’échancrure de cette falaise au bord de la Manche que la France joue un peu de sa renaissance ou de son déclin. Depuis l’épidémie du Sars-Cov-2, il n’est plus question dans le débat national que d’indépendance industrielle. Bruno Le Maire l’a même invoquée pour justifier avec grandiloquence le refus d’un rachat de Carrefour au nom de la souveraineté alimentaire ! Mais sur le nucléaire, le gouvernement avance d’un pas et recule de trois. Certes, Emmanuel
“Nous avons validé 97 % des 10 000 critères, nous sommes prêts”
Xavier Ursat
Macron lui fait de temps à autre les honneurs. Il a imposé dans le plan de relance de 2020 une ligne de 470 millions d’euros consacrée aux nouveaux projets atomiques. Et, en décembre dernier, il s’est déplacé à la centrale du Creusot pour faire l’éloge de l’indépendance énergétique. « Notre avenir passe par le nucléaire », a-t-il déclaré à propos de la troisième filière industrielle française, après l’automobile et l’aéronautique. « Deux cent vingt mille emplois en dépendent », a-t-il précisé. Mais qui peut croire ces belles paroles ? N’a-t-il pas accompli cet été l’engagement funeste qu’avait pris son prédécesseur d’arrêter les deux réacteurs de Fessenheim ? N’a-t-il pas mis fin au projet Astrid d’un réacteur de quatrième génération, une décision dont un rapport parlementaire du sénateur Stéphane Piednoir et du député Thomas Gassilloud souligne l’imprudence ? N’est-ce pas Emmanuel Macron encore qui a voulu trois ministres de l’Environnement notoirement hostiles au nucléaire ? L’actuelle ministre, Barbara Pompili, n’est-elle pas encore plus mobilisée que ses prédécesseurs contre cette énergie honnie des Verts ? Enfin, n’est-ce pas Emmanuel Macron qui a préféré renvoyer après l’élection présidentielle de 2022 la décision de lancer un nouveau grand programme de six EPR 2, alors que toute la filière attendait cette annonce avant l’été 2021 ?
DEUX ANS POUR CHOISIR
Il faut croire que ce président plutôt nucléophile s’est laissé impressionner par le succès électoral des écolos, le défaitisme industriel, et surtout l’idéologie du risque zéro qui gangrène la société. Son ex-premier ministre, Édouard Philippe, pourtant un ancien d’Areva, s’est lui aussi montré hésitant pendant tout le début du mandat. « Les politiques ne peuvent plus assumer les risques qui sont liés à l’atome, nous sommes entrés dans l’ère de la précaution maximale », nous avouait il y a deux ans un ancien membre de son cabinet et très proche de ce dossier. À cela s’ajoutait un constat désabusé, lié aux innombrables avanies et contretemps du chantier de Flamanville : « Nous n’avons plus les moyens industriels de cette ambition nucléaire, nous ne sommes pas la Chine, où ils peuvent mobiliser 10 000 hommes sur une opération aussi complexe. »
Docile héraut de ce pessimisme gouvernemental, Bruno Le Maire a dit plusieurs fois qu’aucune décision ne serait prise avant d’avoir la preuve du bon fonctionnement de Flamanville. Autrement dit, pas avant le début de l’année 2023. « C’est trop tard, et c’est exactement le pari des antinucléaires, qui savent qu’en gagnant du temps ils peuvent compromettre le lancement d’une nouvelle série », fait observer un proche du dossier. Car, en matière d’énergie, la prévision et la planification de long terme sont une ardente obligation. « Pour commencer la construction de six nouveaux EPR dans la décennie 2030, il faut huit ans de préparation en amont, c’est pour cette raison que nous sommes à un moment de vérité », résume Alain Tranzer, un ancien de Peugeot nommé par JeanBernard Lévy, le patron d’EDF, à la tête du plan Excell pour simplifier et standardiser la conception et la fabrication des centrales. Il annonce notamment une baisse des coûts de
“Les politiques n’osent plus assumer le risque”
Un conseiller ministériel
construction de 25 à 30 % par rapport à l’EPR de Flamanville. Récemment, une étude du Boston Consulting Group auprès des acteurs du secteur a indiqué que « 58 % d’entre eux vont réduire leurs effectifs si aucune décision n’est prise dans les trois ans ».
“LA MINISTRE SE BOUCHE LE NEZ”
Mais que s’est-il donc passé pour que la France renie si vite ce qui était pour elle une évidence ? « Dans les années 1980, on mettait en marche 6 à 8 réacteurs par an. Puis il y a eu une pause car nous avions atteint le bon niveau d’indépendance. La filière a sous-estimé le risque de cette pause si elle se prolongeait trop longtemps. On a perdu d’immenses réserves de compétence. Par exemple les soudeurs. Aujourd’hui il faut trois ans pour former un soudeur », admet Alain Tranzer, dont l’essentiel de la carrière chez Peugeot lui donne un autre regard sur la standardisation des procédures de fabrication des centrales. En 1997, le choix d’arrêter le projet du Superphénix décidé par Lionel Jospin dans le cadre de son accord avec les Verts a stoppé net la relance de l’effort nucléaire. Puis il y eut le projet de l’EPR, annoncé en 2004. « Notre erreur principale a été de passer au stade de la réalisation du projet à marche forcée, alors que les études de faisabilité étaient inachevées, et cela s’est payé d’autant plus cher qu’entretemps, après la catastrophe de Fukushima, le contexte réglementaire a complètement changé. Avant on pouvait qualifier la résistance du matériel aux accidents techniques ou aux attaques terroristes pendant la mise en service, mais à partir de 2013, il a fallu le certifier avant la mise en service, ce qui est beaucoup plus difficile », résume un cadre. Enfin, le fait de ne pas construire plusieurs EPR en même temps n’a pas permis d’écraser les coûts ni d’optimiser les processus. Pendant ce temps, les Verts continuaient leur travail de sape à l’intérieur d’une gauche jusque-là très nucléophile. C’est François Hollande qui a finalement acté la fin d’un consensus républicain qui datait de l’après-guerre en arrêtant Fessenheim. « On reproche à EDF de manoeuvrer en coulisses, mais comment faire autrement, avec un ministre de l’Écologie qui se bouche le nez chaque fois qu’il est question de l’atome », grogne un cadre de la firme.
BIENTÔT LA FRANCE DANS LE NOIR ?
Pourtant, à force de tergiverser, les Français pourraient, dans un temps pas si lointain, redécouvrir les pannes de courant. L’électricité leur paraît une évidence, comme l’eau courante. Mais pour combien de temps ? Dans La France dans le noir (2017), l’ancien monsieur Chine d’EDF, Hervé Machenot, mettait déjà en garde contre le désinvestissement des Européens dans la production d’énergie dont les coûts de production sont trop élevés et les tarifs trop réglementés. Nous avançons, en effet, vers une inquiétante descente en pente douce après 2030, qui sera suivie d’un dramatique « effet falaise » après 2050. La suppression progressive et souhaitable des centrales charbon dans toute l’Europe, et des centrales nucléaires en Allemagne ne pourra pas être compensée par les éoliennes et le solaire. « La question d’éventuelles défaillances des systèmes électriques en Europe, et en particulier en France, a été remise dans le débat
“Dans les années 1980 on mettait en marche 6 à 8 réacteurs par an”
Alain Tranzer
“Le programme de Joe Biden recommande
le nucléaire”
Cédric Lewandowski
alors qu’elle avait quasiment disparu des préoccupations du grand public », a confirmé il y a dix jours une note de France Stratégie. On sait aussi qu’à la fin des années 2050, les centrales françaises, qui produisent aussi pour le reste de l’Europe seront arrêtées. Or, à ce jour, aucune énergie renouvelable n’est capable de compenser cet « effet falaise ». Le gouvernement a d’ailleurs demandé à l’Ademe – l’agence de la transition écologique – des simulations pour une énergie 100 % renouvelable. Or les premières fuites sur ce rapport sans cesse reporté indiquent qu’il s’agit d’un scénario hautement improbable. Quel décideur public pourrait assumer un tel risque ?
« Je ne comprends pas l’excès de précaution dont on s’entoure aujourd’hui pour l’EPR. On sait qu’il marche puisqu’il est en activité en Chine, grâce à un partenariat avec EDF, et que le chantier de Hinkley Point, conduit par EDF en Angleterre, se déroule sans aucun accroc, à tel point que le gouvernement anglais est en train de négocier avec EDF la construction d’une nouvelle série d’EPR à Sizewell », fait remarquer Valérie Faudon, présidente de la Société française d’énergie nucléaire.
Certes, outre l’EPR, les industriels dans le monde planchent sur d’innombrables projets. Des « Small Modular Reactor » – ou SMR – aux prototypes cofinancés par Bill Gates et des partenaires chinois. Mais l’EPR existe et il est opérationnel. Celui de Flamanville alimentera 2 millions de foyers.
SIGNES ENCOURAGEANTS
La décennie 2010 fut une décennie noire pour le nucléaire. Après Fukushima, il y eut la crise d’Alstom et le démantèlement d’Areva, finalement rattaché à EDF. Cédric Lewandowski, le patron EDF des 56 réacteurs existants et ancien directeur de cabinet de Jean-Yves Le Drian, pense que la décennie 2020 verra son retour en grâce. « La déclaration récente de Fatih Birol, le patron de l’Agence internationale de l’énergie et le dernier rapport du Giec en 2018 ont été des signaux forts pour nous, tout comme le programme de Joe Biden qui envisage pour la première fois de la part d’un candidat démocrate une relance du programme nucléaire aux États-Unis. » En effet, Fatih Birol a mis en garde contre les effets d’une réduction de la contribution nucléaire au mixte énergétique européen. « Elle devrait passer de 25 % à 14 % dans les années qui viennent, avec des conséquences très importantes à la fois pour les économies européennes et pour les émissions carbones », a-t-il déclaré. Si vous voulez ne pas avoir de coupure, un approvisionnement sécurisé, des emplois industriels en France, des faibles émissions de CO2, le tout à un tarif raisonnable, vous ne trouvez pas mieux que le nucléaire », résume Lewandowski. La question du bon mix énergétique dans l’avenir lointain reste encore une équation à plusieurs inconnues », conclut-il. Les générations d’après-demain auront du mal à comprendre qu’on leur laisse en héritage non seulement des montagnes de dettes, mais aussi des pannes électriques dont leurs parents et grands-parents pensaient qu’elles n’existaient que dans les livres d’histoire. ■
Les écolos pronucléaires fleurissent désormais sur des cheminées grises. Et ce sont souvent des femmes. En Californie, Isabelle Boemeke, un mannequin brésilien, a désormais des milliers d’aficionados sur son compte Twitter. Elle présente des tutoriels de vulgarisation sur le nucléaire entre deux séances de maquillage, et explique son combat au nom du climat et de la transition énergétique. Au Royaume-Uni, c’est l’activiste écolo Zion Lights, ancienne porte-parole du mouvement antinucléaire Extinction Rebellion, dont elle a claqué la porte pour défendre le nucléaire. En France, la déléguée générale de la Société française d’énergie nucléaire (Sfen), Valérie Faudon, incarne avec talent la face institutionnelle de ce combat, mais la nouvelle égérie atomique française s’appelle Myrto Tripathi. Il y a trois ans, cette ancienne cadre d’Areva a tout quitté pour créer les Voix du nucléaire. Toutes ces « écomodernistes » se réclament du rapport du Giec. Pour elles, la lutte contre le réchauffement climatique est une priorité non négociable, et elle passe forcément par une énergie nucléaire. « On pourrait croire que les Français ont compris que le nucléaire est l’énergie la plus décarbonée, mais les enquêtes d’opinion montrent qu’ils ne le savent pas et qu’ils pensent toujours que les fumées qui sortent des cheminées sont de la vapeur d’eau ! » nous confie Myrto Tripathi.
LE VILAIN PETIT CANARD
Dans ses belles années, « Atomic Anne » – alias Anne Lauvergeon, l’ex-patronne d’Areva – avait réussi à renouveler le regard sur cette industrie liée aux rêves scientistes des années 1950. Mais après Fukushima, tout a changé. Et les trop nombreuses erreurs d’Anne Lauvergeon ont gâché la fête. L’image du nucléaire a été gravement compromise, et son avenir industriel sérieusement questionné. Le sens de l’Histoire nous imposait de recourir désormais à des énergies « douces », « décentralisées » et « sans risque », d’autant plus que les solutions de stockage de l’énergie semblaient à portée de main. Le nucléaire était le vilain petit canard, accablé de deux tares incurables : le traitement des déchets, et les risques d’accident ou d’attaque terroriste. Depuis longtemps, quelques pionniers écolos se battent contre les préjugés et soulignent combien ces risques sont limités. Jean-Marc Jancovici a cofondé le laboratoire d’idées The Shift Project et longtemps côtoyé Nicolas Hulot avant de le perdre de vue quand ce dernier est devenu antinucléaire pour se faire adouber par les Verts. L’ancien ministre de l’Environnement, Brice Lalonde, est un autre « pronuc » décomplexé. Il milite dans ce sens au travers de l’association Équilibre des énergies. Myrto Tripathi l’a d’abord rejoint pour participer à ses côtés à la COP21 : « C’est pendant l’accord de Paris que j’ai constaté l’étendue de la désinformation sur le nucléaire, notamment financée par les industries fossiles. Le pavillon français n’osait même pas en parler. Tout cela m’a indignée et j’ai décidé de fonder une association. » Et en effet, les forces médiatiques en présence penchent lourdement en faveur des antinucléaires. « Il y a deux camps bien structurés mais très asymétriques : les militants politiques antinucléaires, extrêmement efficaces médiatiquement, et les industriels du nucléaire, puissants à l’intérieur de l’appareil d’État, mais sur la défensive et peu habitués au débat. Nous voulions montrer qu’il y avait aussi des citoyens qui étaient prêts à se mobiliser. » Aujourd’hui, son association compte 350 adhérents, 6 000 sympathisants, mais pas un salarié, faute de moyens. L’été dernier, Myrto Tripathi a pris les « antinuc » à leur propre jeu en mobilisant une manifestation devant le siège de Greenpeace pour dénoncer la fermeture de Fessenheim. « Nous nous battons avec des bouts de ficelle alors qu’en face, Sortir du nucléaire, négaWatt, Greenpeace, WWF ont des millions d’euros de dons. »
ÉNERGIE DÉCARBONÉE
Dans la bataille médiatique, il y a aussi une bataille de mots. Notamment à Bruxelles, où la Commission a bien du mal à classer le nucléaire dans la catégorie des énergies durables. Pourtant, le financement futur par les banques en dépendra. « La France parle d’énergie décarbonée, mais l’Allemagne veut imposer le label renouvelable », un point que Myrto Tripathi développe dans son livre La Bataille pour le climat (Genèse Édition, 241 p., 22,50 €) : « Le renouvelable est intermittent et pas 100 % pilotable, donc il suppose le maintien de centrales thermiques classiques, et c’est pour cela qu’il est appuyé par les lobbys de l’industrie fossile. Le renouvelable n’est donc pas une véritable énergie décarbonée comme l’est le nucléaire. » Aujourd’hui, c’est le gaz naturel russe qui est devenu le champion de fait des antinucléaires. ■