LA VOX CASSEROLI
NOUS VIVONS UNE ÉPOQUE FORMIDABLE,
PAR NICOLAS UNGEMUTH
C’est un livre qui a rencontré peu d’échos, et pour cause : il évoque un sujet tabou (pas l’inceste). Son titre – Ces casseroles qui applaudissent aux fenêtres, P.O.L – et son sous-titre – Avoir bonne conscience, c’est magique ! – résument tout… Iegor Gran est un sacripant au mauvais esprit qui aime bien se moquer de tout. Il en faut. Ici, il revient sur le confinement de mars dernier ayant entraîné un phénomène acoustique inhabituel : les concertos de casseroles en fin de journée, importés d’Italie, où le peuple a toujours aimé la musique. Du Verdi métallisé. « Parfois, écrit-il, j’avais la chance de tomber sur une perle rare : à force d’écouter les immeubles, j’ai entendu un banjo, une balalaïka. » Jamais de piano. Si vous ne participiez pas au tintamarre, les voisins d’en face vous fusillaient du regard, prêts à appeler la Gestapo. « Il fallait “montrer qu’on était solidaire”, qu’on était “sympa”. L’exhibitionnisme de son empathie ne fonctionnait qu’à plusieurs. » Les problèmes du personnel soignant devenaient l’occasion de faire la fête, de créer du « lien social ». Ce qu’évoque Iegor Gran est une manie récente : la compassion ostentatoire. Les croyants vont-ils prier et allumer des cierges sur leur balcon pour mieux montrer leur piété aux voisins ?
« Mercredi 8 avril – 541 morts. “Hourra !” Jeudi 9 avril
– 341 morts, un record. “Tût ! …. Tûuuut !” » C’est ce que l’auteur appelle la « vox casseroli ». La nature
« reprenait ses droits » : « On a vu un sanglier à Barcelone ! » Pourtant, comme le rappelle Gran, « on peut vivre avec la mort. On le fait tous les jours de l’existence. La mort tue 100 % des gens. »