LES OPPOSITIONS RÉÉCRIVENT LE PROJET DE LOI
Le Rassemblement national comme Les Républicains n’ont pas l’intention de laisser le champ libre au gouvernement sur un sujet qui sera au coeur de la campagne présidentielle de 2022.
Si proches de l’élection présidentielle, les oppositions de droite à Emmanuel Macron n’ont aucune intention de lui faire de cadeau. Encore moins sur un sujet aussi sensible que le séparatisme islamiste ou l’immigration, deux thèmes dont elles pressentent qu’ils seront au coeur de la campagne de 2022. Autant dire que les discussions sur le projet de loi Darmanin vont être houleuses, dans et hors de l’hémicycle. Marine Le Pen a choisi de prendre au mot le président de la République qui, dans la première partie de son discours des Mureaux, avait isolé l’idéologie islamiste. Elle a demandé à ses équipes, les experts du groupe des Horaces, de réfléchir à un contreprojet de loi, rédigé par Jean-Paul Garraud, ancien magistrat, ancien député LR, aujourd’hui député européen proche du RN.
AUGMENTER LES CONTRAINTES
Dans sa proposition de loi, composée de 39 articles, le RN précise, dans son article 1er, que : « sont interdites sur tout le territoire de la République ou à destination de ce dernier, sous toute forme et par quelque moyen que ce soit, la pratique, la manifestation ainsi que la diffusion publique des idéologies islamistes ». Puis il caractérise ces « idéologies islamistes » à partir de six « traits », dont « l’incompatibilité radicale qui peut exister entre ces idéologies et les droits, libertés et principes reconnus ou consacrés par la Constitution » ; « le refus de respecter la laïcité de l’État et de respecter la primauté de la loi commune » ; les liens avec des organisations ou puissances étrangères ; les menaces qu’elles font peser sur l’unité de la nation ; « toute manifestation tendant à contraindre physiquement ou psychologiquement une personne à adhérer ou à renoncer à une religion ». Pour Marine Le Pen, le texte de Gérald Darmanin risque d’augmenter les contraintes pour ceux qui respectaient la loi sans les augmenter réellement pour les islamistes. « Est-ce que les islamistes auront plus de difficultés après ce texte pour faire de l’entrisme ? Nous ne le pensons pas », explique-t-on au RN. Chez Les Républicains, aucune concession à attendre non plus. Éric Ciotti, spécialiste de ces questions, dénonce « un texte creux, pas à la hauteur du combat vital que la France doit mener ». Il en veut pour preuve que ce projet de loi « censé lutter contre le séparatisme n’ose même pas citer le mot islamisme dans son intitulé. »
RÉFORME DE LA CONSTITUTION
« Le texte en l’état ne nous convient pas, prévient Annie Genevard, présidente du Conseil national des LR et vice-présidente de l’Assemblée nationale. De notre point de vue, aucune disposition emblématique n’est en mesure de marquer fortement l’opposition à l’islamisme. » Les LR regrettent que le ministre de l’Intérieur ait systématiquement rejeté leurs demandes d’intégrer la problématique de l’immigration ou celle du voile dans son texte. Ils ne baissent pas pour autant les bras et redéposeront des amendements en ce sens, comme celui de Robin Reda, député de l’Essonne, proche de Valérie Pécresse, qui prévoit une peine de prison pour tous ceux qui imposent le port du voile à d’autres personnes « sur la voie publique ou dans les lieux ouverts au public ». Peine aggravée quand cette contrainte se fait sur une mineure de moins de 15 ans. Aucun risque qu’il soit accepté par le gouvernement dans le contexte. « Le gouvernement est tétanisé par le risque anticonstitutionnel, veut croire Annie Genevard. Ce qui démontre, a contrario, qu’une réforme de la Constitution doit être envisagée. » La campagne de 2022 est lancée. ■