Le Figaro Magazine

LA MINUTE DANSÉE DE MADAME VADORI-GAUTHIER

- LES VARIATIONS DE FRANÇOIS DELÉTRAZ Uneminuted­edanseparj­our.com

Quand le 14 janvier 2015, Nadia Vadori-Gauthier s’est décidée à poster Une minute de danse par jour, on ne voyait là rien d’autre qu’un de ces épiphénomè­nes qui alimentent les réseaux sociaux. On avait tort. Car 2 198 jours et autant de vidéos plus tard, cette « minute » est devenue un objet à part dans le paysage chorégraph­ique français : un acte à la fois artistique et politique. Pour cela, il a fallu que la chorégraph­e, également universita­ire, se montre opiniâtre. Chaque jour, dans un lieu public, se filmant elle-même avec une petite caméra posée sur un trépied, Nadia Vadori-Gauthier a dansé, sans maquillage ni costume particulie­r. Malade ou non, qu’il pleuve ou qu’il vente. Elle met en ligne le résultat le jour même de sa réalisatio­n, sans montage. Afin que la danse suive le fil des événements qui ont secoué notre pays et notre société. Après les attentats de Charlie Hebdo, sentant une page de notre Histoire se tourner, elle a été prise du désir d’instiller un peu de poésie et de sensibilit­é dans un monde qui en manque tant. « J’ai voulu prendre au pied de la lettre cette phrase de Nietzsche : “Et que l’on estime perdue toute journée où l’on n’aura pas dansé au moins une fois” », raconte-t-elle, avec la certitude qu’une « action minime et répétée peut finir par avoir un grand effet ».

Cette doctorante, dont la recherche porte à la fois sur la conscience du corps en mouvement et sur les rapports entre espace personnel et espace public prouve que l’on peut passer de la théorie à la pratique. Certaines « minutes » sont devenues virales, comme celle du 1er décembre 2018, accomplie au beau milieu d’une manifestat­ion des « gilets jaunes », ou la numéro 809 (1er avril 2017), sur un quai de métro, tellement drôle. Ses incursions dans la vie quotidienn­e ne passent pas inaperçues, mais sont en général bien accueillie­s. Hormis ce jour où elle s’est invitée dans un bar d’un quartier d’affaires de Paris… d’où elle a été carrément refoulée. L’irruption de l’art dans un monde policé, quel scandale !

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