LA CHRONIQUE
Le débat était clos avant d’être ouvert. Il y avait des mots autorisés et des mots interdits, des thèmes autorisés et des thèmes interdits. La loi sur le séparatisme était devenue une loi sur les principes républicains. Et la députée En marche, Aurore Bergé, qui avait eu l’outrecuidance de vouloir parler du voile islamique des fillettes, s’était fait recadrer par son président de groupe et le premier ministre lui-même. Tout était dit. Darmanin avait beau montrer ses muscles, on avait compris que c’était de la gonflette. L’État faisait ce qu’il faisait de mieux : contrôle par les préfets sur les discours et les financements des mosquées, mais aussi des associations ou des clubs de sport. L’État avouait ce qu’il avait obstinément nié pendant des décennies : dans d’innombrables banlieues et quartiers, une contre-société avait éclos et s’était affermie, fondée sur la loi et les moeurs islamiques. Ce diagnostic fait, on ne se donnait pas les moyens de la combattre. On refusait de voir que cette question était fondatrice : à la fois religion et projet juridico-politique, l’islam joue sur les deux tableaux. Si l’on dénonce son projet juridico-politique, ses défenseurs accusent l’État d’empiéter sur la liberté religieuse et d’être coupable d’islamophobie.
Une fois encore, l’État macronien a reculé et se noie dans le « en même temps ». On a continué à faire semblant de croire que l’islam n’est pas le problème et qu’il est dévoyé par des « entrepreneurs identitaires ». On va continuer de croire qu’on peut viser toutes les autres religions qui n’en peuvent mais. On va continuer de croire qu’il s’agit d’une infime minorité d’islamistes, alors que sondage après sondage, on s’aperçoit que de 30 à 40 % des musulmans de France estiment que « la charia est supérieure aux lois de la
République », et que ce chiffre monte à plus de 60 % dans les jeunes générations. On va continuer de croire que la laïcité est le sujet et la solution alors que la question posée est celle de l’assimilation. Assimilation car l’islam et le projet social qu’il porte sont, depuis mille ans, une formidable machine assimilationniste de peuples divers. Assimilation et non pas intégration, contrairement à ce que défend le président Macron, ce qui ne signifie pas la même chose. La question du voile montre bien la différence : dans l’espace public, on ne veut pas de signe religieux, dit le devoir de discrétion assimilationniste. « Pas de guerre des vêtements », répond Darmanin après son président. Mais le vêtement est une idée en marche. Le vêtement, c’est toute une conception de l’existence qui s’affirme dans quelques morceaux de tissu.
Enfin, comment traiter l’émergence de ces contre-sociétés islamiques si l’on refuse de considérer que l’immigration la nourrit sans cesse ? Si l’on refuse de voir que le nombre change la donne, encore plus que l’esprit de l’islam. Le nombre qui transforme peu à peu des contre-sociétés éparses en un contre-peuple au milieu, et demain en dehors du peuple français.