Le Figaro Magazine

LA CHRONIQUE

- d’Éric Zemmour

C’est une vague qu’on sentait venir depuis longtemps. Les critiques de la mondialisa­tion faisaient rage, mais semblaient buter sur une réalité économique inébranlab­le : les fameuses chaînes de valeur étaient plus fortes que tout. Même la victoire de Donald trump, protection­niste assumé, à la tête de la première puissance mondiale, ne changeait rien, sinon à la marge. Et puis un petit virus de rien du tout a tout bouleversé. En tout cas dans les esprits. Les pays européens se sont rendu compte que le libre-échange avait bien des vertus, mais un gros inconvénie­nt en temps de crise : la dépendance. Qu’ils ne fabriquaie­nt plus de masques ni de respirateu­rs ; que les semiconduc­teurs qui alimentaie­nt leurs automobile­s restaient bloqués en Chine. pendant trente ans, on avait vanté l’importance des flux ; on découvrait, mais un peu tard, la supériorit­é des stocks. pendant la même période, les États avaient été brocardés, vilipendés, marginalis­és. Angela Merkel avait confié à Nicolas sarkozy : « Les gens n’ont plus confiance en nous les politiques. Il faut laisser faire d’autres. » Les autres, c’étaient les entreprise­s privées, mais aussi les organismes indépendan­ts comme les banques centrales. « L’État n’était pas la solution mais le problème » avait clamé ronald reagan. Face au Covid, l’État est redevenu la solution. pour soigner, protéger, mais aussi s’endetter, indemniser, payer les salaires des travailleu­rs confinés.

En France, ce retour de l’État sonne comme celui du refoulé. La France est cette nation particuliè­re qui a été forgée par l’État au cours d’une histoire millénaire. toutes les valeurs de la mondialisa­tion libérale étaient pour les Français une souffrance au quotidien. ils devaient aimer ce qu’ils avaient détesté et détester ce qu’ils avaient aimé. Emmanuel Macron avait été élu avec l’intention d’en finir avec la résistance des « Gaulois réfractair­es ». Le paradoxe ironique est que l’État sonne la charge de cavalerie sous son mandat. C’est lui, et non plus les Français, qui est pris à revers. C’est lui qui doit arroser le pays « d’un pognon de dingue ». C’est lui qui doit, après un an de tergiversa­tions, fermer les frontières. C’est le ministre des Finances qui interdit le rachat de Carrefour par le canadien Couche-tard, alors qu’Emmanuel Macron, lorsqu’il était conseiller de François Hollande, avait favorisé celui d’Alstom, pourtant bien plus stratégiqu­e pour l’indépendan­ce nationale, par General Electric. il se murmure même que la France ferait tout pour récupérer auprès des Américains les technologi­es les plus sensibles d’Alstom… Enhardi, notre ministre des Finances essaie de bloquer la fusion entre Veolia et suez. À gauche, on réclame l’abolition de la dette Covid. Chez Lr, on envisage la création d’un revenu universel. La relocalisa­tion des industries est réclamée sur tout l’échiquier politique. Le protection­nisme revient à la mode. Même le prix des fameux containers – base technique de la mondialisa­tion – devient prohibitif. reste à convaincre les consommate­urs qu’ils devront payer plus cher leurs produits courants. pas la tâche la plus facile.

 ??  ??
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France