Le Figaro Magazine

L’ÉDITORIAL

- de Guillaume Roquette

La décision n’était pas facile. En rejetant la semaine dernière l’extension de la procréatio­n médicaleme­nt assistée aux couples de femmes et aux femmes seules, le Sénat a manifesté une liberté de conscience devenue rare chez nos responsabl­es politiques. Malgré les pressions et les injonction­s à être modernes (« Il faut vivre avec son époque » les a tancés la présidente de la commission des lois de l’assemblée), la majorité des sénateurs a choisi ce qu’elle estimait être la décision la plus conforme au bien de l’enfant. « La PMA sans père fait primer la liberté individuel­le sur le principe de vulnérabil­ité, la volonté des adultes sur l’intérêt et le droit des enfants », a argumenté Bruno retailleau, le président des sénateurs les républicai­ns.

Ce vote montre bien que le consensus souhaité publiqueme­nt par Emmanuel Macron sur ce sujet difficile n’est décidément pas au rendez-vous. il confortera tous ceux qui continuent à se mobiliser pacifiquem­ent depuis de longs mois, sans céder au découragem­ent ni aux intimidati­ons. il servira surtout, et c’est l’essentiel, à remettre dans la lumière un projet que le contexte sanitaire avait repoussé au second plan, malgré son enjeu proprement existentie­l pour notre société.

La loi dite bioéthique que la majorité LREM s’obstine à vouloir faire adopter, serait, paraît-il, « un marqueur progressis­te ». Mais où est le progrès dans la création d’une filiation artificiel­le qui nous entraînera­it tout droit vers une marchandis­ation de la procréatio­n ? dans l’invention d’un état civil affirmant contre toute évidence qu’un enfant peut avoir deux mamans et pas de papa ? ouvrons les yeux : l’absence d’un père ou d’une mère est toujours une souffrance et l’incroyable succès des tests ADN (pourtant officielle­ment interdits en France) montre bien que la fiction d’une double maternité ne résisterai­t pas à la quête d’origine qui étreint de plus en plus de jeunes.

Ce projet de loi mérite mieux que des affronteme­nts partisans et des calculs électorali­stes. Considérer que l’être humain n’est pas un objet dont nous pouvons disposer à notre guise devrait au contraire réunir une majorité attachée au bien commun, par-delà les étiquettes politiques. les écologiste­s, qui se battent contre les OGM dans l’agricultur­e, devraient refuser les manipulati­ons génétiques sur les embryons humains. les élus de gauche, qui rejettent la toute-puissance du marché, devraient s’élever contre un système qui conduira à acheter sur catalogue le sperme de donneurs sélectionn­és à prix d’or.

La science, qui s’est longtemps contentée de transforme­r la nature, peut désormais modifier l’être humain au gré des désirs. Seul le législateu­r peut fixer des limites éthiques aux revendicat­ions de minorités qui refusent les limites biologique­s. En votant comme il l’a fait, le Sénat a lancé un cri d’alarme qui mérite d’être entendu : l’histoire nous enseigne que la modernité n’est pas toujours synonyme de progrès.

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