L’ÉDITORIAL
La décision n’était pas facile. En rejetant la semaine dernière l’extension de la procréation médicalement assistée aux couples de femmes et aux femmes seules, le Sénat a manifesté une liberté de conscience devenue rare chez nos responsables politiques. Malgré les pressions et les injonctions à être modernes (« Il faut vivre avec son époque » les a tancés la présidente de la commission des lois de l’assemblée), la majorité des sénateurs a choisi ce qu’elle estimait être la décision la plus conforme au bien de l’enfant. « La PMA sans père fait primer la liberté individuelle sur le principe de vulnérabilité, la volonté des adultes sur l’intérêt et le droit des enfants », a argumenté Bruno retailleau, le président des sénateurs les républicains.
Ce vote montre bien que le consensus souhaité publiquement par Emmanuel Macron sur ce sujet difficile n’est décidément pas au rendez-vous. il confortera tous ceux qui continuent à se mobiliser pacifiquement depuis de longs mois, sans céder au découragement ni aux intimidations. il servira surtout, et c’est l’essentiel, à remettre dans la lumière un projet que le contexte sanitaire avait repoussé au second plan, malgré son enjeu proprement existentiel pour notre société.
La loi dite bioéthique que la majorité LREM s’obstine à vouloir faire adopter, serait, paraît-il, « un marqueur progressiste ». Mais où est le progrès dans la création d’une filiation artificielle qui nous entraînerait tout droit vers une marchandisation de la procréation ? dans l’invention d’un état civil affirmant contre toute évidence qu’un enfant peut avoir deux mamans et pas de papa ? ouvrons les yeux : l’absence d’un père ou d’une mère est toujours une souffrance et l’incroyable succès des tests ADN (pourtant officiellement interdits en France) montre bien que la fiction d’une double maternité ne résisterait pas à la quête d’origine qui étreint de plus en plus de jeunes.
Ce projet de loi mérite mieux que des affrontements partisans et des calculs électoralistes. Considérer que l’être humain n’est pas un objet dont nous pouvons disposer à notre guise devrait au contraire réunir une majorité attachée au bien commun, par-delà les étiquettes politiques. les écologistes, qui se battent contre les OGM dans l’agriculture, devraient refuser les manipulations génétiques sur les embryons humains. les élus de gauche, qui rejettent la toute-puissance du marché, devraient s’élever contre un système qui conduira à acheter sur catalogue le sperme de donneurs sélectionnés à prix d’or.
La science, qui s’est longtemps contentée de transformer la nature, peut désormais modifier l’être humain au gré des désirs. Seul le législateur peut fixer des limites éthiques aux revendications de minorités qui refusent les limites biologiques. En votant comme il l’a fait, le Sénat a lancé un cri d’alarme qui mérite d’être entendu : l’histoire nous enseigne que la modernité n’est pas toujours synonyme de progrès.