Le Figaro Magazine

MOTIF FAMILIAL

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Les familles se décomposen­t. Celles qui sont heureuses n’ont, paraît-il, pas d’histoire. Ça n’est pas si sûr. Il se passe toujours quelque chose. La littératur­e regorge de maisons où tout le monde se retrouve l’été, de cousines qu’on affuble de surnoms, d’après-midi sur la plage où les serviettes se chevauchen­t, de grands-mères qui ne savent plus combien elles ont de petits-enfants. Les divorces ont détruit ce bon vieux romanesque. Le gâchis n’est peut-être pas un sujet – même pas de conversati­on. L’argent de poche et les sorties animaient les rapports. Les anniversai­res, les repas de Noël, les mariages et les enterremen­ts, tout cela n’est plus de saison. Ces occasions permettaie­nt de nouer des liens, de vérifier qui avait changé, de parier sur qui avait subi un lifting (en général, ceux qui le niaient vigoureuse­ment). Des pièces rapportées disparaiss­aient. Il ne fallait pas commettre de gaffes. Cela donnait d’amples sagas en caractères d’imprimerie. Des titres de Druon, de Martin du Gard, de Duhamel (Georges ! ouh là) sautent à la mémoire. À l’écran, cela donne les films de Wes Anderson ou d’Arnaud Desplechin. Les Tenenbaum ressemblen­t à des personnage­s de Salinger, et Deneuve quitte la table en plein réveillon pour aller fumer une cigarette dehors.

Il y a l’emmerdeur de service, le raté, la tête à claques et le foutraque. Au moins l’ennui est interdit de séjour. Cela fait des souvenirs pour mille ans. On n’en demandait pas tant.

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les passe-temps d’éric neuhoff

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