L’ÉDITORIAL
Le mot est plein de promesses et la Macronie l’adore. Partout, on nous parle de mettre en place davantage de « diversité » : à la télévision comme au Parlement, au sein des commissariats comme dans l’enseignement supérieur. Et personne n’est contre, bien sûr. la diversité, c’est la vie, et il est quand même moins abrupt de parler de « Français issus de la diversité » que de citoyens noirs ou maghrébins, ne serait-ce que pour éviter de réduire quiconque à ses origines ou à sa couleur de peau.
Sciences Po, que les errements de ses dirigeants placent ces temps-ci sous le feu des projecteurs, fait figure de précurseur en la matière. depuis des années, les étudiants de banlieue y bénéficient d’un quota de places réservées selon le principe, pourtant si peu français, de la discrimination positive. Et la grande école a décidé d’aller encore plus loin en supprimant les épreuves écrites anonymes d’entrée en première année, au profit d’une sélection sur dossier et entretiens oraux. terminé l’entre-soi bourgeois et la reproduction des élites, vive le pluralisme !
Mais la réalité est nettement moins enthousiasmante que les discours officiels. Si Sciences Po, comme bientôt l’ENa, met en place des voies d’accès spécifiques, c’est parce que les jeunes défavorisés d’aujourd’hui, à quelques brillantes exceptions près, ne parviennent plus à prendre l’ascenseur social sans qu’on leur ménage un accès réservé. résultat affligeant, mais pas surprenant, d’un effondrement du niveau scolaire général, du refus obstiné de la sélection, du mépris de la culture générale, bref d’un nivellement par le bas qu’une politique de quotas tente tant bien que mal de camoufler.
Plutôt que de promouvoir un élitisme émancipateur, en favorisant dès l’école, par une politique de bourses et un encadrement adapté, l’accès des meilleurs – quelle que fût leur origine – aux filières d’excellence, on préfère importer le différentialisme en vigueur aux États-Unis, en abandonnant au passage tous nos beaux principes d’égalité républicaine. Comment s’étonner, dès lors, que prospèrent dans la société française tous les maux charriés par cette idéologie de la différence : communautarisme, crispations identitaires, victimisation… Cet état d’esprit est une prison, comme le dit si bien l’avocat richard Malka : « celle de l’amertume, de l’aigreur, de la tristesse, et donc de l’agressivité et de la violence ». l’exemple des États-Unis est éclairant : malgré plus d’un demi-siècle de discrimination positive et des victoires symboliques aussi extraordinaires que les deux mandats présidentiels de Barack obama, jamais le ressentiment de la population noire n’a été si grand, comme en témoigne le récent mouvement de Black lives Matter. la diversité imposée, le « vivre-ensemble » sous contrainte produisent paradoxalement le repli sur soi et la dénonciation obsessionnelle de discriminations souvent imaginaires. les dérives de Sciences Po, comme l’organisation d’un « Hijab day » où des étudiants incitaient leurs congénères à se couvrir d’un voile islamique, en sont la triste illustration.