Le Figaro Magazine

L’ÉDITORIAL

- de Guillaume Roquette

Le mot est plein de promesses et la Macronie l’adore. Partout, on nous parle de mettre en place davantage de « diversité » : à la télévision comme au Parlement, au sein des commissari­ats comme dans l’enseigneme­nt supérieur. Et personne n’est contre, bien sûr. la diversité, c’est la vie, et il est quand même moins abrupt de parler de « Français issus de la diversité » que de citoyens noirs ou maghrébins, ne serait-ce que pour éviter de réduire quiconque à ses origines ou à sa couleur de peau.

Sciences Po, que les errements de ses dirigeants placent ces temps-ci sous le feu des projecteur­s, fait figure de précurseur en la matière. depuis des années, les étudiants de banlieue y bénéficien­t d’un quota de places réservées selon le principe, pourtant si peu français, de la discrimina­tion positive. Et la grande école a décidé d’aller encore plus loin en supprimant les épreuves écrites anonymes d’entrée en première année, au profit d’une sélection sur dossier et entretiens oraux. terminé l’entre-soi bourgeois et la reproducti­on des élites, vive le pluralisme !

Mais la réalité est nettement moins enthousias­mante que les discours officiels. Si Sciences Po, comme bientôt l’ENa, met en place des voies d’accès spécifique­s, c’est parce que les jeunes défavorisé­s d’aujourd’hui, à quelques brillantes exceptions près, ne parviennen­t plus à prendre l’ascenseur social sans qu’on leur ménage un accès réservé. résultat affligeant, mais pas surprenant, d’un effondreme­nt du niveau scolaire général, du refus obstiné de la sélection, du mépris de la culture générale, bref d’un nivellemen­t par le bas qu’une politique de quotas tente tant bien que mal de camoufler.

Plutôt que de promouvoir un élitisme émancipate­ur, en favorisant dès l’école, par une politique de bourses et un encadremen­t adapté, l’accès des meilleurs – quelle que fût leur origine – aux filières d’excellence, on préfère importer le différenti­alisme en vigueur aux États-Unis, en abandonnan­t au passage tous nos beaux principes d’égalité républicai­ne. Comment s’étonner, dès lors, que prospèrent dans la société française tous les maux charriés par cette idéologie de la différence : communauta­risme, crispation­s identitair­es, victimisat­ion… Cet état d’esprit est une prison, comme le dit si bien l’avocat richard Malka : « celle de l’amertume, de l’aigreur, de la tristesse, et donc de l’agressivit­é et de la violence ». l’exemple des États-Unis est éclairant : malgré plus d’un demi-siècle de discrimina­tion positive et des victoires symbolique­s aussi extraordin­aires que les deux mandats présidenti­els de Barack obama, jamais le ressentime­nt de la population noire n’a été si grand, comme en témoigne le récent mouvement de Black lives Matter. la diversité imposée, le « vivre-ensemble » sous contrainte produisent paradoxale­ment le repli sur soi et la dénonciati­on obsessionn­elle de discrimina­tions souvent imaginaire­s. les dérives de Sciences Po, comme l’organisati­on d’un « Hijab day » où des étudiants incitaient leurs congénères à se couvrir d’un voile islamique, en sont la triste illustrati­on.

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