ALEXIS PINTURAULT, SLALOMEUR AUX PORTES DE LA GLOIRE
Le skieur français, qui participe actuellement aux championnats du monde, pourrait devenir le troisième tricolore de l’histoire à remporter la Coupe du monde le mois prochain.
C’est tout juste s’il n’a pas appris à skier avant de savoir marcher. L’hôtel de la famille Pinturault, l’Annapurna, se dresse au bord du domaine skiable de Courchevel, à deux pas de l’altiport. « Il y avait un petit téléski et une piste pour débutants sous nos fenêtres, se souvient Alexis, la star du ski français. Mes parents m’ont donc mis sur les planches quand j’étais tout petit. » Le 20 mars, Alexis Pinturault fêtera ses 30 ans et achèvera sa douzième saison de Coupe du monde. L’enfant de Courchevel est devenu le meilleur de la planète en slalom géant et l’un des skieurs les plus complets au niveau international – il s’aligne en slalom, en super-G et en descente pour les combinés. Si tout va bien – c’est-à-dire s’il ne se blesse pas ou s’il n’accumule pas les contre-performances dans les dernières courses –, il devrait décrocher le « gros » globe de cristal décerné au skieur qui a remporté le plus de points lors des épreuves de ski alpin
2020-2021. Il rejoindrait ainsi Jean-Claude Killy (vainqueur des deux premières Coupe du monde en 1967 et 1968), Luc Alphand (1997) et la skieuse Michèle Jacot (1970). Autant dire que les lauréats français sont rarissimes dans une discipline historiquement dominée par les Autrichiens et les Suisses.
Pour décrocher la récompense la plus convoitée du cirque blanc, il s’est donné tous les moyens, quitte à vivre en exil. Depuis 2017, le numéro un français a quitté la Maurienne pour se baser en Autriche, dans le village d’Altenmarkt situé dans le land de Salzbourg. Là, sur les pentes où s’entraînent les équipes nationales autrichiennes, la « PME » a pris ses quartiers : entraîneur, techniciens, préparateurs… Une task force toute dédiée au champion savoyard. « C’était d’abord un choix géographique, dit Alexis Pinturault. Depuis Altenmarkt, on peut rejoindre la plupart des sites de compétitions internationales en deux à trois heures de route. » D’où l’optimisation du temps de repos entre deux épreuves. Un avantage par rapport aux Alpes françaises très éloignées.
L’ÉCHEC DE 2017
La géographie n’a pas été la seule raison du départ. En février 2017, il a disputé les Championnats du monde à Saint-Moritz (Suisse). Il en est revenu quasiment bredouille : une médaille d’or par équipe mixte et aucune dans les épreuves individuelles. « C’était un vrai drame pour lui, raconte Claude Pinturault, son père. Il a failli tout arrêter. » Mais l’homme est un gagneur et son entourage familial le soutient, à commencer par son épouse Romane (qui gère sa communication) et son
POUR DÉCROCHER LA RÉCOMPENSE LA PLUS CONVOITÉE DU CIRQUE BLANC, IL S’EST DONNÉ TOUS LES MOYENS
père. Le clan tire les leçons de l’échec de Saint-Moritz : la structure d’entraînement de l’équipe de France ne lui convient pas. Affecté au groupe « technique » (slalom et géant), Alexis Pinturault ne s’exerce pas suffisamment aux disciplines de vitesse (descente, super-G). Il lui faut donc une équipe ad hoc, dédiée tout entière à sa polyvalence. Et pour faire bonne mesure, l’installer en Autriche, où se trouvent ses principaux sponsors : les skis Head et la boisson énergétique Red Bull. Après des hésitations, la Fédération française de ski (FFS) accepte. Elle détache un de ses entraîneurs, Fabien Munier, auprès d’Alexis Pinturault qui se félicite aujourd’hui de ce choix. « Mes temps de repos sont plus importants et mes partenaires m’offrent des facilités dont je ne disposais pas en France. »
Quelle que soit la structure, il faut beaucoup plus pour faire un sportif d’élite. Et la recette principale se niche dans le mental. Alexis Pinturault ne fait pas exception. Né d’une mère norvégienne, Hege, le gosse de Courchevel a passé les étés de son enfance en Norvège sur une petite île au sud du pays. Chaque jour, il jouait au football, en un contre un, avec son père. Celui-ci lui donnait cinq buts d’avance, le jeu consistant à marquer dix fois. « Je n’arrivais jamais à gagner, se souvient Alexis. J’enrageais. » Ce que confirme son papa : « Il lui arrivait d’être en larmes. » Gagneur dès la plus tendre enfance, il deviendra un ado pugnace. Après des débuts en ski de compétition où il battait régulièrement ses rivaux, le petit prodige connaît des difficultés. « Autour de 13-14 ans,
dit-il, j’ai eu un creux. J‘étais bon mais plus le meilleur.»
Au lieu de se décourager ou de passer à un autre sport
– il était un footballeur émérite et excellait au tennis –, Alexis s’accroche. « Je me suis mis à travailler davantage à l’entraînement. » Et cela paie. À 15 ans, il est admis au lycée d’Albertville dans le fameux pôle France de ski. L’établissement adapte la scolarité des élèves aux compétitions. C’est une fabrique de champions où se retrouvent – au mieux – les dix meilleurs skieurs et skieuses de leur classe d’âge. Au sein de cette élite nationale, le garçon s’épanouit et concrétise les espoirs placés en lui. Il n’a pas encore le bac – il le décrochera en série S avec mention – qu’il est sur le circuit Coupe d’Europe où il fait des étincelles. À peine bachelier, il court en Coupe du monde. À 19 ans, il marque ses premiers points dans un Super-G. La saison 2011-2012 voit son éclosion au plus haut niveau. Avant même ses 20 ans il arrive deuxième à Kranjska Gora (Slovénie) et monte pour la première fois sur un podium de Coupe du monde. Il obtient ensuite sa première victoire lors d’un slalom parallèle organisé à Moscou. Dès lors, son palmarès prospère et embellit. À ce jour, il compte 33 victoires en Coupe du monde, loin devant tous les autres Français. En outre, il a décroché trois médailles olympiques et deux titres mondiaux.
UN RIVAL D’EXCEPTION
Alexis Pinturault n’a cependant pas accumulé le palmarès que son talent lui laissait espérer. Car il est tombé sur un adversaire exceptionnel : l’Autrichien Marcel Hirscher. Slalomeur et géantiste, celui-ci a remporté 8 Coupes du monde consécutives de 2012 à 2019 et empoché 67 victoires. Considéré comme le meilleur skieur de tous les temps